La soirée était déjà bien avancée lorsqu’elle avait quitté l’université. Non seulement c’était l’une des rares fois où elle y mettait les pieds, elle pouvait se vanter d’y avoir resté plus d’une douzaine d’heures, ce qui était un record quant à son assiduité. Apparemment, l’université promouvait le travail d’équipe, la création de liens et toute la merde qui allait avec, ce qui impliquait alors que la moitié de sa session dépendait d’un projet qu’ils devaient effectuer en petits groupes d’étudiants. Comme Yesla n’était pas particulièrement friande des relations interpersonnelles, elle ne s’était manifestement pas fait d’alliés pendant l’année scolaire et s’était donc retrouvée avec les rebus de la société. Pour ceux qui ne sont pas familiers à la dynamique générale d’une équipe de travail, il y avait toujours celui qui décidait de toutes les idées, sans bien entendu les mettre en pratique, celui qui n’avait aucune idée, celui qui ne faisait rien, celui qui disait qu’il le ferait, mais qui ne le faisait pas, celui qui écrivait si mal qu’il avait le pouvoir de faire saigner les yeux de ses adversaires, et celui qui s’arrangeait avec tout, le sauveur face à l’apocalypse. Malheureusement pour la sorcière, il fallait qu’elle combatte à la fois la stupidité de son équipe, tout en s’efforçant de ne pas dilapider sa session. Et ça, c’était probablement le combat le plus difficile qu’elle avait dû mener jusqu’à maintenant. Et de loin.

Incapable de prendre une décision censée, la sorcière décida d’opter pour les ruelles sombres au détriment de l’artère éclairée, histoire de gagner quelques pas. Il fallait dire que Yesla était prête à tout pour recouvrer son lit le plus rapidement possible, et puis la brunette pouvait tout à fait se défendre contre la plupart des créatures de ce monde, tant qu’elles n’entraient pas dans la catégorie du surnaturel. La plupart du temps, la sorcière n’avait qu’à transmuter son téléphone en arme afin de décourager les plus courageux. Un leurre qui fonctionnait presque à tous les coups. Évidemment, il y avait toujours des exceptions. Sa tête avait été fracassée contre l’un des murs de béton qui bordait le passage, et ce, d’une violence si extrême, qu’elle dut rester plusieurs secondes contre le sol dans l’espoir de revenir à elle. Une force étrange la poussait à se lever, quelque chose qui la tirait vers les étoiles. Tout était si facile, léger. C’est au moment où ses pieds quittèrent la terre qu’elle comprit enfin, on venait de la soulever. Encore une fois, la douleur se répandit au sein de tout son être alors que l’individu la plaquait contre le mur qu’elle venait tout juste d’embrasser.

« Putain c’est quoi ton problème! » fit la brunette alors qu’elle regagnait lentement le peu d’esprit qui n’avait pas quitté le navire.

En réponse, l’individu avait empoigné sa gorge avec force. Par réflexe, la sorcière porta ses mains à celle de son tortionnaire afin de se libérer, en vain. La créature qui se tenait devant elle était d’une telle force, qu’il lui était presque impossible de limiter son asphyxie. C’est à ce moment que la brunette chuta dans un état second, puisant dans ce qui lui restait de force pour lui affliger un coup de poing sous la mâchoire dans l’espoir de gagner un peu d’oxygène. Le bourreau n’avait pas bronché, un sourire moqueur se dessinant sur ses lèvres alors qu’il avançait son visage vers Yesla.

« Laisse-toi aller sorcière, ça sera plus rapide. » avait-il murmuré à l’oreille de la brunette alors que sa main se refermait un peu contre le cou frêle de sa victime.

Yesla, d’une main maladroite, attrapa son portable, qui se trouvait dans la poche de sa veste afin de lui conférer une seconde utilité. Paniquée, dans un dernier élan de courage, elle planta la dague ainsi créée dans l’abdomen de son assaillant. Alors qu’elle s’attendait à renouer avec l’oxygène, sa vieille amie, l’immobilité de l’homme lui fit réaliser qu’elle était tombée sur l’exception. Il ne lui restait cependant trop peu de temps pour déterminer la nature de la chose qui était en train de lui dérober son bien le plus précieux.

« Mais.. Qu’est-ce que... vous êtes? » avait-elle été capable de prononcer entre deux bouffées d’air alors que ce qui lui restait d’énergie laissait place à la douleur. L'adrénaline battait son plein, prise au piège, la brunette avait posé ses yeux sur cette créature qui paraissait humaine, le prédateur qui arborait la peau du gibier. Près d'eux, des bruits sourds avaient déstabilisé l'imposteur, lui conférant une dernière bouffée de cet air que ses poumons imploraient. Paralysée par cette force qui la possédait, Yesla n'avait pu vérifier la source de ces éclats violents, et l'étonnement dans les yeux de son bourreau ne lui était que peu d'utilité. Y avait-il quelqu'un? Quelque chose d'autre? Quelque chose de pire? Les chances étaient minces.

Les secondes étaient devenues interminables et sa tête voulait exploser sous les efforts de la créature. C’était au moment où la noirceur s’emparait lentement de sa vision que l’unique force qui la maintenait se rompit, et que son corps atteignait le sol sale et humide de la ruelle. L’air dans ses poumons était intolérable, bien que salutaire. Yesla, la vision trouble et encombrée par le sang, leva fébrilement la tête vers cette force qui avait pu la libérer des griffes de cette créature de la nuit.

Depuis que j'avais parlé avec Aniel, ma mission principale avait trouvé une dimension plus sombre encore. Traquer les déchus avait toujours été de ma responsabilité, mais à présent, et avec ces déchus là... tout était bien différent. Ils étaient plus dangereux encore qu'ils ne l'avaient jamais été et leurs attaquent en plus d'être ignobles étaient un affront envers Dieu. Ils osaient choisir à la place de notre Père qui méritait ou non de vivre. Ils jugeaient les humains et appliquaient eux même les sanctions, c'était inconcevable. Trouver ces déchus en particulier était devenu l'une de mes priorités, malheureusement il était difficile de les débusquer. Alors à présent que j'avais trouvé celui que je suivait depuis maintenant plus d'une heure, je refusait de le perdre. Une chose qui n'était pourtant pas entièrement entre mes mains. Il ignorait ma présence, je m'en était assuré en cachant mon aura, et en me montrant discret, mais même là, il semblait prendre des précautions outre mesure et ce jusqu'à ce qu'il commence à faire nuit et que je le suive vers un bâtiment ou il semblait attendre quelque chose. Cette université, comme l'annonçait le panneau plus loin abritait bon nombre d'humains et la chose me paraissait inquiétante, mais avec tous les passants, il m'avait été difficile de me rapprocher et impossible d'intervenir. J’ignorai d'ailleurs quelle personne il cherchait en venant ici. Alors j'avais continué à le suivre, tandis qu'il suivait lui aussi quelqu'un. Mais lorsque nous avions atteins le centre, les choses avaient vite joué en ma défaveur. Les passants, le bruit, j'avais prit du retard sur lui et l'avait perdu de vu en une fraction de seconde. Il ne lui faudrait que peu de temps pour tuer sa victime, il me fallait le retrouver et vite. Je m'était donc concentré, réfléchissant sur le trajet qu'il avait pu prendre. Je ne le voyait plus nul part et je ne pouvait pas entendre grand chose au delà des bruits de la ville. Je me tournai et avisait la ruelle derrière moi, je n'avait aucune certitude que c'était là ou il s'était rendu, mais... je n'avait d'autre choix que de prendre une décision rapidement.

J'arrivais dans la ruelle à l'instant critique, il tenait une femme entre ses mains et s’apprêtait à la tuer. Soudain, une poubelle avait comme explosé et surprit le déchu, tout comme moi. Mais c'était pourtant sans y réfléchir davantage que j'avais attrapé son bras et appliqué une force afin de le forcer à la lâcher. J'avais alors vu la lame dans son buste et comprit qu'elle avait tenté en vain de se défendre. J'avais tourné le regard très rapidement sur elle, vérifiant qu'elle était en vie et pouvait tenir le temps que je me charge du danger qu'il représentait toujours pour elle. Très vite, mon attention s'était reportée sur le déchu et j'avais frappé, encore et encore jusqu'à le mettre à Terre. Il nous fallait plus d'informations, mais l'humaine était là et le danger était trop grand, il ne serait pas celui qui survivrait pour nous parler. J’apposai ma main sur lui et laissait mon Lux Dei le consumer dans une lumière aveuglante. Une fois détruit, je m'approchait de l'humaine mal en point, gardant une distance raisonnable pour ne pas l'effrayer.

« Puis-je approcher ? »

L’oxygène dans ses poumons était tel un feu ardent et il fallut plusieurs secondes pour que la brunette puisse supporter enfin le retour de sa chère amie au sein de son organisme. Elle n’était pas d’un naturel romantique, mais il fallait dire que sa capacité de respirer lui avait particulièrement manquée. Toujours contre le sol humide de la ruelle, le bruit caractéristique d’os qui se brisaient lui fit relever la tête, curieuse de déterminer la nature de ce mystérieux sauveur à qui elle devait la vie. La vision toujours embrumée, la sorcière discerna toutefois une lumière vive émanant de cet énigmatique bienfaiteur et consumant les restes de ce monstre aux allures d’homme. Attendez un instant. Une lumière? Venait-elle d'halluciner? Bordel de merde! Mais c’est quoi ça? La sorcière avait profité de cette distraction pour se remettre sur ses jambes, aidée par l’un des murs du passage. Toujours faible, la brunette était restée appuyée contre la brique froide, le temps de reprendre suffisamment d’énergie afin de foutre le camp de cet enfer. Si cette chose avait pu venir à bout de son agresseur si facilement… Qu’allait-il pouvoir lui faire?

« Puis-je approcher ? »

« Certainement pas! » fit la brunette, paniquée, alors que qu’elle levait une main en direction de cette créature qui se tenait devant elle. Au même moment, la benne à ordures près de l’individu explosa, entraînant un violent bruit sourd et projetant plusieurs débris contre les murs bordant la ruelle. L’explosion fut si violente que la sorcière due porter le bras à son visage afin de se protéger de quelques éclats. Qu’est-ce qui vient de se passer? Est-ce que c’est moi qui ai fait ça? Alors ces bruits plus tôt.. c’était? D’abord intriguée par ce phénomène inattendu, la brunette se ravisa rapidement, il lui fallait d’abord déterminer quelle était cette chose qui se tenait devant elle. Un démon? Peu probable. Bien qu’elle n’en connaissait pas un rayon sur les démons, Yesla n’avait pas l’impression qu’ils étaient du genre charitable. Était-il du même type que cette sombre créature qui, il y a encore un instant, avait pris la décision d’abréger son existence? Et qu’est-ce que c’était au juste? Y avait-il un risque pour elle de rester là? Il venait tout de même de se débarrasser de son agresseur avec une telle facilité. Qui était-il? Et cette lumière? Qu'est-ce que c'était? Répondrait-il non seulement à ses questions? Pour l’instant, son immobilité laissait présager qu’il n’avait pas prévu achever le travail, ce qui aurait été contre-productif après avoir éliminé celui qui avait presque eu raison d’elle.

La sorcière porta une main à son crâne douloureux, ce qui lui tira une grimace. Son regard posé sur cette silhouette se tenant au creux de l’obscurité, la jeune femme osa enfin chercher des réponses à ses questions, une fois convaincue qu’il ne semblait définitivement pas lui vouloir de mal. « Qu’est-ce que vous êtes? Et qu’est-ce que c’était? Et pourquoi il s’en est pris à moi? » La brunette ne semblait plus avoir le contrôle quant à ce qui sortait de sa bouche, déblatérant rapidement toutes ces questions auxquelles elle n’avait aucune réponse. Peut-être refuserait-il d’y répondre. Il venait tout de même de lui éviter un funeste sort. N’était-ce pas suffisant?

J'avais envisager plusieurs réponses suite à ma question, mais je n'avais cela dit pas prévu qu'a son non catégorique s'ajouterais cette explosion supplémentaire qui avait eu lieu à quelques pas de nous. L'humaine non plus si je me fiais à l'expression sur son visage.

Je m'étais arrêté dans mes pas, ne m'approchant plus, non pas par peur de ce pouvoir qu'elle semblait posséder, mais par respect face à la décision qu'elle avait prit. Se sentait-elle autant en danger face à moi que face à son agresseur ? Si elle refusait que je l'approche, je devrais attendre qu'elle change d'avis, même si j’espérai qu'elle le fasse rapidement pour que je puisse vérifier son état de santé.

Les débris auraient pu la blesser et l'ange que j'étais voulait toujours lui porter secours, pourtant, j'avais du me fier à ses seuls bras qu'elle avait avancé pour se protéger. Et attendais qu'elle m'autorise à la rejoindre, cherchant des mots pour la convaincre. Des mots qui me vinrent sous forme de réponses aux questions qu'elle avait fini par me poser. Il n'était plus de mon choix de dire la vérité ou mentir. Elle en avait trop vu pour que je lui cache ce que j'étais ou ce qui s'était passé. Tout un monde existait en dehors de celui des humains, la plupart l'ignoraient. Mais, elle, elle en faisait vraisemblablement partie, à sa propre mesure.

« Vous devez être effrayée, j'en suis navré. Je vais tâcher d'être le plus honnête et clair possible. » Annonçais-je alors que je réfléchissais un instant à mes mots suivants.

« Je suis Ezechiel. Je suis un ange, un soldat de Dieu. Et celui qui vous a attaqué était un traitre à notre armée. Un ange déchu. Lui et un groupe de ses semblables s'en prennent aux sorciers pactisés et nephelims qu'ils pensent justement châtier. » Ce qui encore une fois prouvait mes réflexions. Aussi, osais-je demander :

« Êtes vous sorcière ou nephelim ? Bien que cela ne change rien. J'ai dans l'idée que vous en connaissez plus de ce monde, du mien, que vous ne le laissez paraitre au premier abords. Alors... dans cette même optique. Puis-je m'approcher et vérifier si vous avez besoin de soins ? »

Appuyée contre les briques sales, les jambes de la brune tremblaient légèrement, et ce, à mesure que son corps catabolisait ce qui lui restait d’adrénaline. Une fois persuadée qu’il n’avait pas l’intention de lui faire de mal, Yesla se laissait glisser le long du mur, regagnant de nouveau le sol froid et humide de la ruelle, dans l’espoir de donner un peu de répits à ses muscles. Et puis, quelque chose lui disait que même si elle avait eu la force de courir, il l’aurait rattrapé en un claquement de doigts. D’ailleurs, comment les avait-il retrouvés? La sorcière ne se souvenait pas avoir crié, il fallait dire qu’elle n’avait pas eu cette chance. Pouvait-il sentir cette chose?

L’être accepta de répondre à ses questions, bien qu’elle ne s’attendît pas à autant d’honnêteté, en un si court laps de temps. Un ange? Et puis quoi encore? La brune, d’abord amusée, comprit rapidement qu’il ne blaguait pas. La créature divine, apparemment appelée Ezechiel, lui expliqua les raisons pour lesquelles cette chose s’était attaquée à elle. Ces déchus attaquaient donc les sorciers pactisés et les quoi? Nephelims? Qu’est-ce que c’était ça encore? Elle ne se souvenait pas que ses parents lui avaient déjà parlé de ces êtres. Étaient-ils non seulement au courant? Si oui, pourquoi lui avoir caché leurs existences? Il y avait tant de choses dont elle ne connaissait toujours pas l’existence, et cette méconnaissance l’énervait particulièrement. « Les nephelims? Qu’est-ce que c’est? » demanda la brune, espérant que l’ange allait répondre à ses questions. Jusqu’à maintenant, peu de raisons lui laissaient croire le contraire. C’était déjà ça.

« Les sorciers pactisés? Mais je ne suis pas… » Si elle s'en prenait déjà plein la gueule alors qu'elle n'était toujours pas pactisée, elle avait bien hâte de voir ce qui allait se passer une fois qu'elle le serait. Est-ce qu'elle allait toujours se faire pourchasser de la sorte? Et comment pouvait-elle se défendre face à ces déchus? Une douleur fulgurante brisa soudainement le train de sa pensée. La brune porta une main à sa tête douloureuse, trouvant rapidement la source de son inconfort. Sa chair semblait s’être déchirée au niveau de son front, à la base de son crâne, vestige de sa dernière altercation avec le mur. Bordel, il n’y était pas allé de main morte. « Je suis une sorcière. » fit-elle en réponse à son interrogation. Au point où ils en étaient, ils baignaient tellement dans le surnaturel que parler de ce genre de chose devait lui être plus familier que de discuter de la pluie et du beau temps. Et puis, n’avait-il pas été complètement honnête avec lui? Ce n’était pas non plus comme si elle avait quelque chose à cacher. N’était-elle pas en train de parler avec un ange? La brune esquissa un sourire, elle ne pourrait jamais le dire à voix haute sans paraître complètement cinglée.

La sorcière acquiesça enfin de la tête en réponse à sa proposition, convaincue par sa nature. Les chances étaient plutôt minces, quasi inexistantes avouons-le, pour qu’il lui fasse le moindre mal.

« Et cette lumière, qu'est-ce que c'était au juste? » demanda la sorcière alors qu'elle levait la tête vers Ezechiel.

Malgré ce qui ressemblait peut-être à de la surprise dans son regard, elle n'avait pas semblé vouloir me contredire, ou me demander des preuves. Il était clair qu'elle connaissait notre existence et que je n'avais alors pas trop ébranlé son monde en la sauvant de son assaillant. Cependant, alors que je lui expliquait les raisons de l'attaque, elle avait semblé plus perdue cette fois et sa question m'avait poussé à une réflexion logique. Si elle ignorait ce qu'étaient les nephelims, elle n'en était très probablement pas une.

« Ce sont des humains, dont le sang à été altéré enfant. » Expliquais-je simplement, ne souhaitant pas en dire d'avantage si elle ne le demandais pas. D'autant plus que le plus urgent ce soir, n'était pas de parler de ce qu'elle n'était pas, mais bien de ce qu'elle était et de l'attaque, ou des manières de l'a protéger d'une future tentative. Pourtant, elle semblait... étrange. Comme si elle réfléchissait à voix haute, peut-être était-ce les coups qu'elle avait reçu ? Elle ne semblait pas remarquer que son fil de pensée m'étais exposé. Ou alors, le remarquait-elle ? Et s'en moquait-elle ?

« Une sorcière ? Mais pas... pactisée ? C'était cela que vous alliez dire, n'est-ce pas ? » Répétais-je, l'interrogeant, recoupant les informations qu'elle avait dit à mon intention, et celles qui avaient eu court lors de sa réflexion. J'avais prouvé ne pas vouloir lui faire de mal, pactisée ou non, et la manière dont elle avait réagit... la chose semblait limpide. Elle ne mentait pas ! Alors quoi ? Les traites d'Honah s'en prenaient à présent à toutes les créatures qu'ils jugeaient bon d'attaquer ? Ou y avait-il une raison, un soupçon qui fasse qu'elle soit prise pour cible ? Alors que j'allais l'interroger sur le sujet, elle m'avait devancé, posant une question qui me déstabilisa un instant. De toutes les questions que j'aurais pensé entendre, celle-ci n'en faisait pas partie, une preuve encore que je n'était pas fait pour comprendre les humains et leur mode de pensée.

« Il... s'agissait de mon pouvoir. Lux Dei, c'est ainsi qu'on le nomme. Il permet de détruire les traites et autres... créatures néfastes. Mais pas les humains, vous êtes en sécurité, je ne vous ferait pas le moindre mal. » A dire vrai, je voulais tout l'inverse et ma question concernant une possible raison à cette attaque devrait attendre encore un peu.

« Vous semblez blessée, je vous en prie, laissez-moi vous soigner ? Et ensuite, nous pourrons continuer à parler et pourquoi pas comprendre cette attaque ou prévenir une prochaine. »

La brune se frotta la tête, grimaçant sous son incapacité à amenuiser sa douleur. Altéré? Que voulait-il dire par altéré? Par quoi exactement? Est-ce qu’il insinuait que des démons pouvaient altérer le sang des humains d’une quelconque façon? « Vous voulez dire par.. du sang de démon? » demanda-t-elle dans le but de confirmer son hypothèse. Qu’est-ce que le démon pouvait y gagner? Ça n’avait aucun sens… Évidemment, ça irait un peu mieux si elle pouvait réfléchir de manière logique, ce qui était visiblement trop demander.

Yesla avait hoché la tête en réponse à sa confirmation, tentant de reprendre le contrôle de ses pensées. « Oui, c’est ça. Désolé, j’ai.. j’ai du mal à tout assimiler. » fit-elle alors qu’elle se passait une main sur la joue afin de retirer le sang qui tirait sa chair. Toutes ces informations combinées au fait qu’elle avait perdu une partie de ses facultés mentales au moment de l’impact ne faisaient définitivement pas une combinaison idéale. D’autant plus que la sorcière n’avait pas particulièrement accumulé les heures de sommeil dernièrement

La sorcière sourit à sa proposition, plongeant son regard dans celui de l’ange qui se portait ainsi à son secours. « Vous inquiétez pas, j’ai vu pire. Mais bon, si ça peut vous faire plaisir... » répondit-elle simplement afin de paraître plus forte qu’elle en avait l’air. Comme ça, c’était difficile à croire, mais ce n’était pas la première fois qu’elle s’en prenait plein la gueule. « J’ai juste besoin de fermer les yeux un instant. » ajouta-t-elle alors qu’elle fermait ses paupières, amenuisant ainsi son mal de tête. Alors que ce monde était plongé dans la noirceur, une sensation de tournis avait fait naître des hauts le cœur désagréable, la forçant à ouvrir les yeux de nouveau. Chose qui n’était pas plus mal étant donné qu’il avait fort à parier qu’elle devait avoir une légère commotion.

La brune avait étouffé un rire alors qu'il utilisait les termes ''autres créatures néfastes'' dans le but de ne pas mentionner ces choses dont il voulait la préserver. Si il savait. Yesla en connaissait probablement plus sur les démons que sur ces créatures divines. Après tout, ses parents les avaient chassés pendant toutes ces années. Et puis, le système de sécurité de son père n'était pas suffisamment au point pour l'empêcher de trouver les réponses à ces questions et ces recueils remplis d'histoires d'horreur, de récits, de sorts et de toutes ces choses avaient fini par lui donner envie de poursuivre sur cette sombre voie.

Le protecteur avait questionné les raisons de cette attaque, et ce, considérant qu’elle ne répondait pas manifestement aux critères de ce groupe de déchus. « C’est probablement parce que.. » La brune se tue soudainement, réalisant ce qu’elle allait dire. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de mentionner ses fréquentations actuelles. Entre Caleb et sa recherche active de démons, il fallait dire qu’elle ne donnait fort probablement pas une image très crédible de la gentille sorcière. « Non rien, oubliez ça. » s’était-elle enfin empressée de corriger dans l’espoir qu’il ne cherche pas plus loin. Et puis, elle n’avait pas l’impression que lui divulguer ces informations puisse changer quoi que ce soit, ce n’était pas comme si elle allait cesser de voir Caleb ou de traîner là où il ne fallait pas.

« Une prochaine fois? Ne me dites pas que ce genre de truc va revenir? » demanda la brune avec une crainte faussement dissimulée. Comment pourrait-elle se débarrasser d’une de ces choses à elle seule? La sorcière ne pourrait évidemment pas toujours compter sur lui pour se sortir du pétrin.

Les informations que je lui offraient ne semblaient pas réellement l'éclairée, et je m'en voyais désolé. Elle semblait perdue, bien que je n'en avais pas la certitude. Ou alors, c'était du à ses blessures, ce qui était une possibilité à ne surtout pas écarter s'agissant d'humains. Des blessures mal placées pouvaient avoir des effets des plus violents, sans parler de mettre sa vie en danger.

« Oui, par du sang de démon. » Aquiesçais-je préférant me contenter encore une fois du minimum. Non pas pour la garder dans l'ignorance, mais par soucis de clarté alors qu'elle semblait dépassée par la situation sans que je ne sache encore pourquoi. Trop de coups ? Trop d'informations ? Trop de peur ? Trop de... la liste s'allongeait-elle à l'infini ? Probablement. Les humains étaient bien plus complexe que nous. Certains auraient dit plus évolués, plus subtils. Mais j'étais surtout concerné par son état de santé, présentement. Car de toutes les raisons que cette liste peut-être infinie aurait pu me donner, cette dernière semblait être la plus urgente.

« Il s'agirait alors d'une erreur de leur part. » Soufflais-je concernant le pacte qu'elle disait ne pas avoir signé. Je la croyais sur parole, son état me laissant penser qu'elle n'était pas en mesure de cacher quoi que se soit. Elle avouait même avoir des difficultés à assimiler les choses et mon inquiétude grandissait quant à ses blessures. Cela ne semblait pas être normal, elle n'agissait pas normalement. Ses gestes, ses mots... ils étaient saccadés, sa compréhension était entachée... Elle souffrais d'une blessure plus grosses qu'elle ne voulait se l'admettre. Alors quand elle avait accepté, m'autorisant à la soigner même si subtilement, je n'avais pas plus attendu. Elle décidait de fermer les yeux alors que je m'approchait et en posant mes mains sur elle, je sentais alors l'étendue des dégâts.

« Vous me voyez navré de le dire, mais... Je doute que vous ayez vu pire. Ces blessures auraient pu être mortelles. La force d'un ange déchu est... colossale et votre enveloppe physique n'est pas faite pour supporter une violence pareille. » Mon pouvoir l'enveloppait presque entière, soignant chaque blessure infligée, s'attardant plus longtemps sur celle derrière son crâne, la plus dangereuse et celle qui avait provoqué son état selon moi. Son envie de fermer les yeux prouvait d'ailleurs probablement mes dires et il aurait été mauvais qu'elle le fasse réellement, sans mes soins. Probablement ne se serait-elle jamais réveillée si elle en avait fait ainsi.

« Oublier quoi ? » Elle n'avait absolument rien dit et je n'étais pas certain de ce que je devais oublier. Mais elle était encore sous le coup de la blessure qui terminait de guérir sous mes mains. Peut-être serait-elle plus à même de répondre après cela.

Mon pouvoir finissait enfin son œuvre et ses blessures toutes résorbées, elle me semblait déjà plus alerte. Sa question était pour moi plus claire que toutes les autres, dans tous les cas.

« Eh bien, j'aimerais vous dire que non. Mais ce serait un mensonge. Cette faction de traitres semble déterminée à tuer les sorciers pactisés et les nephelims, et quelque soit la raison qui les poussent à croire que vous en faites partie... Ils n'ont pas l'air d'abandonner leur tâche. »

Je réalisais que ma franchise était peut-être trop alarmante pour l'humaine et me ravisais rapidement :

« Néanmoins, sachez que nous sommes déterminés à les contrer. Notre armée s'occupe de les traquer et de protéger ceux que nous pouvons. Je... peux vous offrir ma protection d'ailleurs, si vous me l'autorisez ?! »

La brune avait hoché la tête alors qu’il confirmait son hypothèse. Évidemment, ce n’était pas le plus important pour l’instant, chose qu’ils devaient avoir réalisée tous les deux. Ses idées se faisaient de plus en plus floues, son raisonnement difficile, il était clair que quelque chose n’allait pas et il avait fort à parier que c’était ces coups qu’elle avait reçus combiné au manque d’oxygène. Cependant, la sorcière s’efforçait de camoufler cette vulnérabilité, s’entêtant à préserver sa dignité alors qu’elle reposait sur le sol sale d’une ruelle. Chose qui était manifestement ironique étant donné les circonstances.

« On dirait bien oui. » avait simplement fait la brune, ne voulant préciser sa pensée. Yesla n’avait pas intérêt à détailler ses fréquentations, d’une part pour protéger les identités des personnes concernées, mais aussi parce qu’elle perdrait toute crédibilité de la demoiselle en détresse. Il n’avait ainsi pas à savoir que l’attaque du déchu n’était peut-être pas aussi anodine qu’il pouvait le penser. La brune avait tressailli alors que l’ange posait ses mains sur elle, mal à l’aise par cette soudaine proximité. Évidemment, en d’autres circonstances, cette vision aurait paru étrange, voire inconvenante, mais cette force qui l’enveloppait, cette sensation inexplicable qui semblait guérir ses maux, amenuiser ses douleurs, concordait avec ce qu’il corroborait. Était-ce un rêve? Venait-elle réellement de se faire sauver la vie par un ange? Apparemment.

La brune eut un rictus moqueur alors qu’il faisait référence à son enveloppe charnelle. « Alors vous, vous savez comment parler aux femmes. » fit-elle en lui offrant un sourire amusé, plongeant son regard dans ses yeux verts. Le choix des mots qu’il prononçait, vide de cette essence caractéristique qu’avaient les humains, aurait fait disparaître ses moindres doutes quant à sa nature, bien qu’elle l’ait pris aux mots après avoir été témoin de l’étendue de ses pouvoirs. Comment ne pas le faire?

« Rien, je n’avais pas les idées en place. » avait fait la sorcière alors qu’il lui demandait ce qu’il était censé oublier, espérant que cette réponse puisse mettre fin à ses interrogations.

La brune avait frissonné alors qu’il précisait qu’ils s’efforçaient de protéger ceux qu’ils pouvaient. Voulait-il dire que certains n’avaient pas cette chance? Yesla n’osait cependant demander alors que cette image lui restait en tête. Serait-ce son cas la prochaine fois? Y aurait-il non seulement une prochaine fois? Il était difficile de savoir, mais dans tous les cas, il ne coûtait rien de mettre l'ensemble de ses chances de son côté et d'accepter sa protection. « Votre protection? Vous voulez dire, comme un ange gardien ou un truc du genre? » avait demandé la sorcière suite à sa proposition alors qu’elle regagnait graduellement la pleine conscience de sa faculté de penser.

« Avez-vous toujours besoin de demander la permission? » fit la sorcière, à la fois curieuse et amusée alors qu’elle se relevait enfin, soudainement éprise d’une légèreté étonnante. Son crâne ne lui était plus désagréable, et ses idées s’emboitaient normalement. Bientôt, il ne lui resterait que ces quelques traces de sang séché sur son visage, ainsi que cette sensation persistante des doigts de son bourreau contre son cou comme unique souvenir de cette rencontre. « Merci. Je me sens mieux... Beaucoup mieux même. Et aussi pour tout à l'heure.. » avait-fait la jeune femme alors qu'elle faisait référence à son sauvetage in extremis. « Si vous aviez pas été là... » Yesla se tut, paralysée par l'idée que son corps aurait pu joncher sans vie ici même.

« Au fait, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Yesla. Je suis une membre de la lignée des Caldeiros. » précisa-t-elle enfin alors qu’elle chassait cette sombre vision de son esprit, hésitante cependant quant à lui tendre la main. Au point où ils étaient, n’avaient-ils pas passé ce niveau? Et puis, il fallait dire que la sorcière avait du mal à s’imaginer l’ange se réduire à cette familiarité typiquement humaine.

Je n'étais pas certain de ce qu'avais souhaité dire la sorcière avec ses derniers mots et j'avais donc ignoré la chose, et ne pas l'interroger à ce sujet, sa phrase n'appelant de toute façon pas à une réponse. Il me fallait vaquer à plus urgent, et il y avait des questions dans ce registre, bien des questions.

J'avais alors tenté de la prévenir de son état, jugeant qu'a l'avenir elle devrait faire attention dans de pareils cas. Elle n'avait vraisemblablement jamais rencontré d'ange, ou de déchu et n'avait pas idée de leur force. Il me paraissait important de le lui faire remarquer et de l'informer sur la chose, pour sa propre sécurité. Mais sa réponse à ce sujet m'avait laissé dubitatif. Je n'avait aucune idée de ce qu'elle avait voulu dire par là.

« Comment ça ? » L'interrogeais-je ne sachant pas si cela avait une importance, cette fois.

Elle avait alors rétorqué que ça n'était rien. Et si j'ignorais à quoi s'adressait cette réponse, je décidais qu'il s'agissait d'un tout. Ces deux questions laissées en suspens et pour lesquelles, j'en était certain, elle me corrigerait si cela avait le moindre intérêt.

J'étais alors revenue sur un sujet plus crucial et lui avait proposé ma protection. Sa réponse, comme ses autres paroles me laissait perplexe, ignorant quoi répondre au premier abord, je l'avais regardé avec insistance et incompréhension. La laissant affirmer ses paroles. Votre protection ? Vous voulez dire, comme un ange gardien ou un truc du genre ? Avez-vous toujours besoin de demander la permission ?

Les mots tournaient dans mon esprit un instant, alors que je finissais de la soigner. Me concentrant sur cette partie, avant de répondre au reste. Elle me remerciait et se présentait et je lui faisait un signe révérencieux de la tête avant de souffler :

« Il n'est pas nécessaire de me remercier. »

Je prenais alors un instant, puis m'éloignant légèrement d'elle, les soins terminés, je reprenait :

« Enchanté Yesla. Je... connais des Caldeiros. Seriez-vous liée à Alejandra ? »

L'interrogeais-je, voyant peut-être une ressemblance familiale, comme l'appelait les humains. Je n'en oubliais pas pour autant ses questions et finissais par ajouter :

« Veuillez m'excuser, je n'ai pas répondu à toutes vos interrogations. Mais je voulais terminer de vous soigner et prendre un instant de réflexion. Je ne suis pas très au fait de vos... sentiments et expressions. Il m'est parfois difficile de comprendre les humains. Mais je vais tenter de vous répondre le plus justement possible. » Voila qui était un long discours pour peut d'intentions. Cela ne me ressemblait pas, mais j'avais besoin de me faire comprendre et cela passait par les mots pour les humains. Du moins, c'était ce qu'il me semblait.

« C'est en effet ce que je vous propose. De devenir votre ange gardien. Même si cela est un mot plus humain que ce que nous emploierions. Quant à votre autorisation... elle m'est nécessaire pour tout ou presque en effet. Sauf ordre divin. Et même là, si Dieu m'avait envoyé, vous pourriez refuser mon aide. Il vous appartient de choisir, Yesla, si vous souhaitez que je vous protèges. »

La brune eut un sourire alors qu’il l’interrogeait suite à sa remarque. Il restait d’un stoïcisme malgré tout et semblait présenter une certaine maladresse quant à sa façon de communiquer. Il fallait dire qu’il ne devait être familier avec les sentiments humains, ainsi que leurs allusions. La sorcière ne pouvait lui en vouloir, et puis, c’en était presque adorable. « Vous êtes mignon. » fit Yesla alors qu’elle doutait que ces paroles n’allaient lui être probablement d’aucun sens.

La sorcière fronça les sourcils alors que Ezechiel lui mentionnait le nom de sa sœur. « En effet, mais… Comment connaissez-vous ce nom? » demanda-t-elle plus par curiosité que par réel intérêt. Avait-elle eu aussi des problèmes? Une chose était certaine, c’était que ce n’était manifestement pas pour les mêmes raisons que Yesla. Sa jumelle était en tout point le contraire de cette dernière et ne se mettrait jamais à jouer avec le type de personnes que la brune fréquentait. Alejandra ne se privait d'ailleurs pas pour lui indiquer que ces fréquentations n'étaient pas des enfants de cœur, chose qui l'amusait à chaque fois. « C’est ma sœur. Ma jumelle en fait. » précisa la sorcière, chose qu’elle n’avait pas à faire normalement compte tenu de la ressemblance flagrante, mais puisque la soirée s’était déjà annoncée bien assez étrange, et qu'elle discutait avec un ange. Il fallait dire que plus rien n'avait de sens ce soir.

Yesla l’avait écouté s’excuser, lui décrivant qu’il n’était pas familier avec les expressions, ainsi que les sentiments humains. Évidemment, elle avait remarqué qu'il n’allait pas être un bon public quant à son sarcasme habituel. Mais bon, ça faisait partie de son charme. « Je comprends. Je... Je suis désolé, je vais tenter de préciser le fond de ma pensée. » répondit la brune alors qu’elle se passait une main sur le jeans dans l’espoir de retirer la poussière qui s’y était fixée. « Ça devrait vous faciliter la tâche. » ponctua-t-elle avec un sourire sincère. « Et puis, ne vous en faites pas avec ça. Y’a pas que les anges qui peuvent avoir ce genre de problèmes de compréhension…. Certains humains aussi. » ajouta-t-elle ensuite dans l’espoir qu’il ne se sente pas trop gêné.

« Eh bien… J’accepte volontiers votre protection. Et puis, sans vous, ce soir… On peut dire que ça aurait sûrement pas aussi bien terminé. » avait-elle fait alors qu’elle n’osait s’imaginer la fin alternative.

« Vous voudriez pas marcher un peu avec moi? Je n’habite plus très loin, mais… Je n’ai pas envie de terminer ma route seule, pas après ça. » avait demandé la sorcière alors qu’elle s’approchait de celui qu’elle venait de désigner comme son protecteur. « Si ça ne vous dérange pas évidemment, je ne voudrais pas que vous perdiez votre temps avec une telle requête. » Il était vrai que la raccompagner n’était probablement pas la manière la plus utile d’user de son temps ainsi que de ses pouvoirs. Est-ce qu’elle était en train de l'empêcher de continuer de chasser ce type de créatures? Ou de protéger d’autres humains? Son orgueil ne lui permettait toutefois pas de mentionner sa peur à voix haute, peut-être parce que cela signifierait qu'elle soit bien réelle. Évidemment, les chances étaient plutôt minces pour qu’un autre déchu s’attaque à elle dans la même soirée, mais Yesla ne pouvait s’empêcher de s’imaginer que c’était tout de même possible. Après tout, vu sa chance habituelle, il fallait dire que ce n’était pas complètement impossible.

« Vous la protégez aussi, c’est ça? Ma sœur? » demanda la brune alors qu’elle récupérait l’objet se trouvant à l’endroit où jonchait auparavant la créature qui l’avait agressée. La dague reprenait rapidement sa forme originale dans sa main, et après avoir vérifié l’heure, Yesla glissa l’appareil dans la poche de son blouson de cuir.

Je n'avais aucune idée de ce qui avait provoqué ces mots ci chez la sorcière. Vous êtes mignon. Je ne savais pas plus ce qu'ils signifiaient, même si la façon dont elle l'avait dit et ses expressions faciales me laissaient entendre que c'était un... compliment ? Ou alors une blague ? Je n'était pas vraiment sûre de quoi que se soit, aussi, j'avais forcé un sourire me doutant que demander des explications ne m'était pas utile. Comprendre les humains... c'était autre chose que des mots. Et même en les interrogeant, je n'avait pas plus de facilité à les saisir. Il fallait que je me rende à l'évidence, je n'en était pas capable, je n'avais pas été fait pour cela.

« Jumelle ? » Je la regardait, intrigué. Je connaissait ce mot et son sens, mais...

« Il y a une ressemblance évidente, mais je pensais que les jumeaux étaient... identiques ? » J'étais perdu, et certainement pas assez renseigné sur la chose. Mais étais-ce important ?

« Cela dit, ce n'est pas important. Loin de moi l'idée de mettre en doute votre parole. Je... j'ignore beaucoup de choses sur les humains, et ce sujet en fait partie. »

Je ne su si c'était mes mots d'avant ou ce dernier aveu, mais elle avait alors dit vouloir m'aider en faisant attention à être clair et précise dans ses propos.

« Seulement si cela ne vous demande pas trop de... Je ne voudrais pas vous incommoder. » Soulignais-je, la remerciant pourtant du regard pour sa prévenance.

« Autant que moi, ou qu'un ange ? » Soulignais-je face à ce qu'elle avait dit sur certains humains et leur incapacité à comprendre certaines choses pourtant humaines. J'ignorais si la chose était aussi poussée qu'elle l'était pour moi, mais ça n'était pas la première fois qu'on me faisait une allusion du genre.

Toutes ces discussions avaient au moins amené la jeune sorcière à m'accorder sa confiance et elle avait finalement accepté ma protection, m'incitant à incliné la tête en guise de confirmation, avant d'ajouter :

« Alors je vous protégerais. Vous n'aurez qu'a m'appeler, ou penser à moi. Priez... et je viendrais. » Fis-je, comme une promesse. Puis, j'ajoutais avec un air plus solennel encore.

« Nous sommes à présent liés. Si vous êtes en danger surnaturel, je le sentirais aussitôt et pourrait vous trouver. » Il me paraissait important de souligner ce fait, ce pour la rassurer face aux dangers que représentaient les déchus qui l'avaient apparemment prise pour cible. Mes propos sonnaient presque comme un au revoir, sans que je ne sache pourquoi. Pourtant, ça n'était pas mon intention et j'étais rassuré de constater qu'elle ne l'avait pas prit ainsi.

« Je ne perdrais pas mon temps, vous êtes sous ma protection à présent. Bien sûr, je vous suis. » Répondis-je à sa demande, n'ayant pas reçu d'autre appel ou d'autre mission immédiate pour le moment. Aucune du moins qui soit plus importante de sa sécurité et sa vie.

Alors que j'avais accédé à sa requête, je l'avais suivie du regard alors qu'elle se déplaçait vers le cadavre du déchu et récupérait une arme au sol. La voyant changer sitôt de forme, je compris de quel pouvoir elle était doté.

« Transmutation. » Soufflais-je alors que je connaissais et appréhendait bien mieux les dons et les natures des sorciers que toutes ces choses humaines.

« Oui, elle est ma protégée également. » Répondis-je alors qu'elle m'interrogeait sur sa sœur. Il aurait été inutile de mentir compte tenu de la situation et de ce qu'elle savait déjà. « Vous possédez d'autres dons que la transmutation ? Vous... avez provoqué quelque chose plus tôt. Plus d'une fois, il me semble. »

Yesla était à la fois amusée et touchée par son incompréhension. Il y avait un je-ne-sais-quoi en lui qui inspirait la compassion, ou bien quelque chose de plus fort. La sorcière ne pouvait expliquer cette force, mais elle avait l’impression d’être d’une certaine vulnérabilité à ses côtés, ce qui ne lui était évidemment pas familier.

« Mais non, vous inquiétez pas pour ça. Je vais vous épargner les détails de biologie, mais il y a en effet les jumeaux identiques et non identiques. Dans le deuxième cas, il peut y avoir des différences puisque ce n’est pas exactement le même matériel génétique. Pour faire très simple. » expliqua-t-elle dans l’espoir de facilité sa compréhension. Mais dans notre cas, il y a pas que le matériel génétique qui nous sépare. pensa la brune, se doutant qu’Ezechiel ne pourrait réellement comprendre le sens de ses paroles.

« M’incommoder? Dit celui qui vient de me sauver la vie. Je crois que je vous dois bien ça. » fit-elle en ponctuant ses dires d’un sourire sincère. Comment ne pas aimer un être aussi attachant. Et le terme était encore plutôt faible.

« Eh bien, pour les anges en général, je ne pourrais dire puisque vous êtes le premier que je rencontre, mais je les imagine bien aussi charmants que vous. » dit-elle alors qu’elle s’amusait à penser ‘’qu’il était son premier’’. « Vous êtes nombreux? » demanda-t-elle alors qu’elle plongeait son regard azur dans celui de son chevalier. Ironiquement, leurs parents avaient été plutôt discrets sur l’existence de ces créatures, et ce, malgré le fait qu’ils devaient posséder des passions communes, telles que la destruction de démons.

La brune fut rassurée d’apprendre qu’ils étaient maintenant liés, et qu’il pourrait ressentir le danger, si elle avait à s’y confronter à nouveau. Chose qui n’allait probablement pas tarder à se produire encore, considérant son cercle plutôt élargi de connaissances en tout genre. Mais Yesla préférait garder ce détail de sa vie.

« Merci. C’est gentil. » fit-elle alors qu’il acceptait de partager encore quelques minutes en sa compagnie.
« C’est exact. » fit la brune alors que l’ange évoquait son pouvoir avec une certaine assurance. Décidément, il semblait s’y connaître en la matière.

La sorcière avait simplement hoché la tête alors qu’Ezechiel lui confirmait ce qu’elle avait déjà déduit. « Je vois. » Manifestement, il l’avait déjà vu, mais est-ce que sa sœur l’avait déjà rencontré? Lui avait-elle volontairement caché son existence? Après tout, elles s’étaient bien éloignées, et la brune ne pouvait lui en vouloir. Elle-même l’avait d’ailleurs chassé de sa vie depuis un certain moment maintenant. Parfois, elle tentait de se dire que c’était pour son bien, dans l’espoir d’alléger sa conscience, ce qui ne fonctionnait qu’à moitié. Peut-être qu’à force de se le répéter, elle finirait par y croire.

Ce fut les mots de son protecteur qui la tirèrent enfin de ses songes, la questionnant quant à ses facultés. « Non. Enfin, c’est ce que je croyais. Ce qui s’est produit tout à l’heure, c’était nouveau. » répondit-elle alors qu’elle quittait enfin cette ruelle qui avait bien faillit eu raison d’elle.

L'explication qu'elle avait offert pour expliquer ma première incompréhension avait été bienvenue. Malgré tout, des doutes demeuraient.

« Très simple... » Répétais-je trahissant que je n'avais pas forcément tout comprit de son discours. Je n'insistait pourtant pas, comprenant l'essentiel. Les jumeaux n'étaient pas forcément identiques. « J'ai saisi l'essentiel, cependant. Merci. » Fis-je, clôturant la question, en laissant une autre en suspens. Elle avait ainsi précisé sa pensée sur le fait de m'aider à la comprendre en simplifiant son discours et j'avais alors répondu avec bienveillance :

« Vous ne me devez absolument rien. Ne vous sentez jamais forcée de m'accorder quoi que se soit pour vous avoir protégée, ou vous sauvé la vie. Ou... toute autre chose. Je n'ai pas de droit ou de pouvoir sur vous, Yesla. » Il m'était important de le signifier, car en plus d'une loi divine, c'était aussi un fait auquel je tenais. Mon respect pour les humains étant bien trop ancré en moi pour imaginer le contraire. Je n'attendais pas de réponse de sa part, simplement qu'elle s'imprègne de cette information. Aussi, j'avais poursuivis le reste de notre discussion, oubliant certaines de ses paroles pour ne pas l'encombrer de questions. Mignons, charmants... Tout ces mots dont le sens était clair et pourtant... j'ignorais pourquoi ils m'étaient destinés. Néanmoins, ce sujet semblant peu important face à sa protection ou celle de sa sœur ou sa question sur notre nombre, c'est avec cela que j'avais enchainé.

« Nous sommes, suffisamment nombreux, j'imagine. » Malgré notre nature et les pertes causées par les morts ou les trahisons, nous restions encore suffisamment nombreux pour que le monde n'ai pas encore sombré, pour que Lucifer n'ai pas encore gagné. Et c'était tout ce qui importait, n'est-ce pas ?

Il me semblait que ça l'était, en tout cas. Voila pourquoi je n'avais pas plus élaboré et pourquoi j'avais seulement accepté de la raccompagner jusqu'à son domicile. Elle avait de concert répondu à la question concernant son pouvoir de transmutation et réagit à la mienne concernant sa sœur. Et tout comme elle, j'avais simplement hoché la tête. Il n'y avait probablement rien à ajouter à cela.

Cependant il n'en était pas de même avec cet autre pouvoir qu'elle semblait posséder. Et c'est de ce dernier dont nous parlions lorsque nous nous étions finalement mit en marche.

« Je vois. Je ne suis pas le mieux placé pour vous renseigner à ce sujet, avec le peu que j'ai vu. Un sorcier comme vous sera probablement plus apte. Mais, il vous a aidé, sauvé la vie peut-être tout autant que moi. » Songeais-je conscient que quoi qu'il se soit passé, la chose m'avait donné du temps pour les rejoindre.

Mes pas suivaient machinalement ceux de la sorcière qui savait pertinemment ou nous nous rendions. Un instant, j'étais resté silencieux ne sachant plus quoi dire, ou si je devais dire quelque chose. Il me semblait que nous avions évoqué de nombreux sujets, probablement plus que je ne l'aurais pensé en premier lieu. Mais quand je la voyais ralentir le pas devant un bâtiment, j'avais sitôt retrouvé la parole :

« Il s'agit de votre domicile ? » Elle avait répondu par la positive et je lui avais sitôt offert une révérence de la tête. « Vous êtes donc en sécurité. » Je forçais un sourire sur mon visage, visant à la rassurer et ajoutais :

« Au revoir, Yesla. Et n'oubliez pas. Il vous suffit de prier, de penser à moi. » Fis-je en disparaissant, veillant avant que nous étions à l’abri de regards extérieurs.