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— La gangrène s’emparait petit à petit de son esprit, elle entamait chaque jour un peu plus l’exaltation des toutes premières années. Assise sur le rebord du lit conjugal, la jeune mère pleurait en silence et regrettait. Elle avait tant eu la crainte de le perdre, qu’il ne veuille rester avec une épouse stérile, qui ne saurait lui donner l’enfant qu’il espérait si fort. Elle n’avait pas porté le petit garçon qui se trouvait actuellement à l’école, en train de jouer innocemment avec ses camarades de classe. Elle comptait lui expliquer qu’il était adopté, qu’ils n’étaient pas ses parents biologiques, persuadé que malgré les questions, il serait suffisamment grand pour comprendre. Son mari avait refusé catégoriquement, ils avaient donné de l’argent à cette jeune mère trop heureux de prendre le second fils dont elle ne voulait pas. Au médecin également pour acheter son silence. Un arrangement dont il ne souhaitait absolument pas se souvenir. Une des raisons qui les avaient aussi poussés à déménager. Et si l’enfant cherchait ses vrais parents ? Et s’ils ne les reconnaissaient plus en temps que tel ? Et s’il apprenait soudainement qu’il avait eu un frère à la naissance et qu’il veuille le trouver ? Ce n’était pas un mensonge de ne pas lui dire tant qu’il n’avait pas de doutes, c’était simplement une omission. Son mari n'avait aucun remord à taire cet accord. Ils étaient ceux qui élevaient cet enfant, ceux qui s'en occupaient et c'était ça être parents. Mais elle, elle, ça la mettait mal à l’aise. Par rapport à leur fils. C’était devenu un poison dans ses veines... un qui continuaient de se propager insidieusement.

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— Il avait promis. Scrutant les aiguilles de sa montre, il accéléra la cadence pour ne pas partir en retard au seizième anniversaire de son meilleur ami. Kayden descendit l’escalier en trombe, se retenant de ne pas glisser sur la rampe pour gagner du temps. Il embrassa furtivement sa mère et se dirigea vers le garage pour prendre le scooter que venait de lui offrir son père. Il n’avait pas encore vraiment commencer à conduire une voiture mais n’était pas pressé. Il se contentait de parcourir les rues casque sur la tête, en deux roues. La maison de Mike n’était pas très loin, il en connaissait l’intérieur par cœur depuis tout ce temps. Il y avait passé une bonne partie de son enfance quand ils n’étaient pas tous les deux chez les parents de Kay. Les deux familles avaient même finies par sympathiser et organisaient souvent des dîners en commun. Le brun descendit du véhicule et alla sonner. Karin ouvrit la porte et l’enlaça chaleureusement. Elle était la sœur qu’il aurait aimé avoir s’il n’était pas fils unique. Elle l’accompagna jusqu’au salon déjà décoré de couleurs dorés et les objets fragiles soigneusement rangés hors de portée des futurs trouble-fêtes. Kay alla trouver le roi de la fête pour le gratifier d’une accolade et lui proposer un coup de main pour attacher une banderole. Malheureusement, il n’était pas suffisamment grand et une main derrière lui prit finalement le relai. Joshua, le grand frère de Mike faisait bien une tête de plus qu’eux. Finalement, il alla aider Karin à mettre en place les tables, les chaises et le barnum dehors. En une heure et demi, ils avaient fini de tout installer et il ne restait plus qu’à attendre les autres.
— La fête battait son plein. Après une enième partie de Crazy Eights, et aucune victoire, il se leva pour aller marcher un peu dehors. La nuit était déjà bien entamé, il embarqua une part de pizza qu’il dévora en observant les apprentis pongistes. Karin était la meilleure, raquette en main, elle gagnait quasiment toujours et quand le perdant devait boire, elle était encore parfaitement sobre. Joshua ne se débrouillait pas trop mal non plus. Kay s’attarda sur son jeu jusqu’à ce que le jeune homme lui propose une partie. Il ne savait pas jouer, c’était perdu d’avance mais il accepta le défi. Il disait rarement non. Son inexpérience flagrante fut très vite démasquée et le jeu bien vite arrêté pour lui éviter « l’humiliation totale ». C’était surtout devenu intenable pour Joshua qui n’arrêtait plus de se tordre de rire. Sa sœur de coeur eut plus de pitié pour lui et promit qu’elle l'entraînerait pour qu’il lui flanque une raclée un jour mais il se sentit légèrement blessé dans son orgueil et il aurait tourné les talons si Joshua n'avait pas posé un bras autour de ses épaules et avait déclamé haut et fort que ça méritait bien une bière avant de l'embarquer plus loin. L'excuse était tellement crédible qu'elle avait convaincu Kayden également. Pas de bières pourtant mais ils passèrent le reste de la soirée en tête à tête.
— « Son scooter est encore là, il serait pas parti sans... ». Kayden se réveilla de sa légère somnolence en entendant la voix agacée de son ami qui devenait de plus en plus distincte. La porte s'ouvrit alors qu'il se redressait. Il observa son meilleur ami sans savoir quoi lui dire, comment expliquer qu'il se trouvait là à dormir dans le lit de son frère. Avec son frère qui ouvrait tout juste les yeux à son tour. « Putain, mais qu'est-ce que vous foutez ? ... T'es sérieux là ? Tu disparais de la fête, j'te cherche partout et en fait t'es avec mon frère ! » Kayden descendit du lit, en caleçon, les mains levés devant lui essayant d'apaiser le garçon dont les joues viraient au cramoisi. « Ecoute Mike, je ... » Le coup de poing le heurta de plein fouet, lui brisant le nez. Un choc violent le ceintura et le fit tomber sur le parquet, ponctué par un hurlement et des pleurs. Il parvint à retenir les coups suivants. Un autre passa à la trappe juste avant que le grand-frère ne retienne le plus jeune et le poing s'écrasa contre sa joue lui faisant mordre l'intérieur de sa bouche, laissant un goût ferreux l'envahir. « Espèce de sale ta*****. » Joshua parvint à repousser Mike mais il s'apprêtait à lever la main sur lui également. Cette vision de son ami glaça le sang de Kayden qui puisa dans toutes ses forces pour se redresser et le confronter mais n'y parvint pas. Au lieu de ça, il sentit une énergie le traverser et Mike recula avant de quitter la pièce, persuadé d'avoir vu sous ses yeux un immense serpent, dont il avait une peur bleue. Ensuite, Kayden ne se souvenait plus vraiment après que Joshua se soit précipiter vers lui.


— Sa mère avait souri et elle avait compris, comme si elle l'avait de toute façon toujours su. Son père avait eu plus de mal à accepter l'idée, il était resté muet pendant une vingtaine de jours avant de faire comme si de rien était. Sa façon à lui d'accepter. Kayden avait eu besoin de faire redresser son nez et sa joue avait été marquée d'un hématome pendant un bon moment. Son père voulait en toucher deux mots aux parents, voulait porter plainte mais Kayden lui demanda de ne pas le faire. Pour Joshua, pour Karin, il ne voulait pas briser l'autre famille. Sa mère appela l'établissement scolaire pour annoncer son absence mais Kayden insista pour y retourner dès que possible. Son père approuva, même s'il semblait plus inquiet qu'il ne l'avait jamais été alors. Voir leur fils rentré seul, sans un sourire semblait être un poids à porter pour eux aussi.
— Joshua était venu prendre des nouvelles régulièrement, il la peau pâle et des cernes sous les yeux. Ses parents n'avaient pas aussi bien réagi à ses choix de vie, espérait le voir quitter leur maison dès que possible. La famille Williams coupa définitivement les ponts avec les parents de Mike et l'ancien meilleur ami de leur fils mais ouvrait toujours sa porte à l'aîné et à Karin qui se retrouvait déchirer entre tout ce monde. Ils laissèrent la possibilité à Joshua de se réfugier dans la chambre d'ami quand il avait besoin de fuir sa famille. Uniquement la chambre d'ami en revanche. Jusqu'à ce que Joshua soit recueilli par son oncle et sa tante dans le Kansas leur histoire continua, ils tentèrent de la faire perdurer avec la distance mais avec les années, leur relation s'étiola.
— Kayden changea d'établissement plus rapidement que prévu. Même s'il surmontait les journées avec tout le courage possible, l'ambiance était devenue si pesante que ça affectait ses notes. Les rumeurs avaient été exagérées par Mike qui était devenu sacrément populaire après ça. Dans sa nouvelle école, il préféra se concentrer sur le sport et les études. Il se fit un bon groupe d'amis et oublia les anciens. Les choses étaient revenues à la "normale". Il avait retrouvé le sourire et faisait de nouveau des sorties. Il passa beaucoup de temps aussi à jouer au baseball.

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— Il était parti étudier les langues étrangères à San Francisco malgré la réticence plus qu'étrange de ses deux parents. Il comptait passer ses diplômes avant de tenter le concours d'entrée dans la police. Il en avait discuté pendant des heures avec le père d'un ami une fois et s'était renseigné sur le sujet. Il s'était confié sur le conflit avec son ancien camarade, avait avoué ne pas être allé jusqu'au bout de ses droits. Maintenant qu'il y repensait, il aurait probablement dû. Il était donc déterminé à se diriger sur une voie un peu plus "juste" mais il lui fallait d'abord valider un diplôme. Il s'installa en colocation avec sa meilleure amie, Karin. Ils s'étaient revu de temps à autre, elle venait souvent l'encourager aux matchs de Baseball et ils allaient tous les deux étudier dans la même ville.
— Kayden ne pensait pas que son départ de la maison serait si compliqué pour sa mère. Quand il appelait, c'était son père qui décrochait la plupart du temps mais il ne s'en formalisait pas. Quand il passait les voir, il trouvait que sa mère s'émaciait mais son père soutenait qu'elle était simplement fatiguée, que c'était le travail qui l'épuisait comme ça. Ils allaient prendre des vacances tous les deux et tout irait mieux. Mais tout n'alla pas mieux. Son père l'appela au beau milieu de la nuit : sa mère venait de faire une chute dans les escaliers et se trouvait à l'hôpital mais dans son malheur, elle avait eu de la chance, elle allait s'en sortir. Elle avait fait un malaise parce qu'elle était trop faible et Kayden se demandait ce qui avait bien pu provoquer pareille dépression chez sa mère. Son père n'en connaissait pas la raison ou refusait de lui dire. Pour s'occuper de sa mère plus fréquemment, il faisait la route régulièrement le week-end. Il redoubla d'efforts pour ne pas redoubler son année et la valida de justesse. Son père était fier de lui.

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—Quand il commença ses premiers pas dans la police, il trouva un poste auprès de la ville dans laquelle il avait grandi et où vivaient actuellement ses parents. Régulièrement, il passait prendre un café chez eux et leur racontait ses débuts de carrière. Ils lui annoncèrent que bientôt, ils comptaient retourner s'installer à San Francisco car sa mère participait à des cours de théâtre depuis qu'elle était suivie psychologiquement, ainsi qu'à un club de méditation. Elle avait repris des couleurs, recommençait à sourire et se plaisait là-bas. Son père voulait tout faire pour que ça reste sur cette bonne pente. Ils fêteraient l'anniversaire de Kayden puis déménageraient. Pour l'occasion, en plus du cadeau qu'il lui offrirent, sa mère lui donna un cadre photo dans lequel elle avait mis l'une des rares qu'ils avaient pris en famille chez un photographe.

— Kayden estimait être un bon élément dans son boulot, il n'était pas de ceux qu'on regrette d'avoir en binôme. Au contraire, comme il se formait à être maître chien, il était un bon argument dissuasif pour les interventions. Ce qui fonctionnait en général dans une majeure partie des situations. Il existait quelques exceptions comme tout le temps. Ils étaient intervenus une fois en équipe dans un squat servant de lieu de recel pour de la drogue à des gars qui se trouvaient armés et qui ne se laissèrent pas attraper facilement. Même si Silver, le chien qu'il dressait à l'époque, avait la mâchoire qui se refermait sur le bras armé, qu'il tenait également son arme, l'intervention était la plus complexe qu'il avait connu. En général, le problème principal, c'était les fuyards. Avec les années, il en avait vu défiler des situations et il s'était sensiblement amélioré. Il s'entendait bien avec les autres officiers jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle tête dans les rangs. Bons résultats, volontaire mais Kayden n'aimait pas sa façon de faire surtout avec les jeunes.
— Les tensions étaient présentes entre Kayden et Harry, le nouveau, depuis déjà un bout de temps. Son comportement donnait une mauvaise image de leur travail mais visiblement les autres tendaient dans sa direction de plus en plus. Il faut dire qu'il savait se faire aimer quand il en avait le besoin et Kayden était loin d'être aussi hypocrite. Harry avait brutalisé un adolescent au moment de lui mettre les menottes et le jeune Williams avait simplement interrompu son geste discrètement, mais l'autre s'était dégager brusquement et avait poussé - par inadvertance - son camarade. C'était la seule autre fois où le don d'illusion avait fait surface, faisant reculé l'autre flic de doute devant l'image extrêmement brève d'un visage à l'image de la mort. Ils restèrent distants et silencieux jusqu'au retour au poste où finalement, Harry reprit confiance en lui et se dit que tout ça n'était que le fruit de son imagination. Peu après cette mission, Kay préféra demander sa mutation pour ses souhaits futurs. Peut-être était-ce tout simplement parce qu'il n'était pas fait pour rester trop longtemps dans une même ville, que les habitudes n'étaient pas son genre.

— La mutation de Kayden à Los Angeles est finalement très récente. Il ne connaît pas encore très bien la ville, n'a jusque là mener qu'une vie paisible qui semble continuer doucement de se profiler. Premier logement en solitaire, il n'avait pas beaucoup d'affaire à transporter mais parmi ces dernières, son cadre photo s'était brisé. Le cadre était complètement déformé, il avait donc récupéré la photographie et avait trouvé au dos un papier plié en deux, avec l'écriture de sa mère. La missive disait qu'elle glissait ces quelques mots ici et si le destin le voulait bien, "tu" finirais par le trouver. Elle continuait, précisant tout l'amour qu'elle avait pour lui mais qu'elle avait jamais eu la force de lui dire, qu'ils n'étaient pas ses parents biologiques. Qu'il n'était pas né seul. Pas d'informations sur la famille dont il venait réellement, juste cette révélation et un sentiment de vide qui commença à s'incruster en lui. Une petite pointe de rancoeur aussi, un ressenti qui lui était plutôt rare. Il pardonnait assez facilement en général, parvenait à trouver du bon dans le moins bon mais que sa famille lui mente après tant d'années, lui fit un choc. Soudainement, tous ses repères n'étaient plus que des illusions... Et Los Angeles était donc un tout nouveau départ, pouvant s'illustrer ou s'effondrer à tout moment.