[Yaden]

La nuit avait été très longue, parce que je n'avais pas dormi plus de deux heures. Impossible de trouver le sommeil, alors que je sentais pourtant que j'étais fatigué. J'ai vu pratiquement toutes les heures défiler sur mon réveil. Vingt-trois heures, minuit, une heure, deux heures, trois heures... Je tournais et me retournais sans pouvoir rejoindre les bras de Morphée. Enfin, il me semblait avoir réussi à dormir une petite demi-heure, car j'avais un trou de mémoire mais c'était tout. En désespoir de cause sûrement, mon cerveau avait provoqué plusieurs switchs. Je ne me souvenais plus exactement, mais plus de trois pour sûr. Et personne n'avait été capable de trouver le sommeil. Cette insomnie semblait étrangement toucher tout le système.

Trois heures trente. Je sortais de mon lit malgré la fatigue, je n'en pouvais plus de rester allongé sans rien faire en attendant de m'endormir. Melanie avait rejoint en co-front. Et nous n'avons rien trouvé de mieux à faire que de nettoyer la maison. Oui, à trois heures du matin. Nous avons passé une heure à nettoyer la salle de bain. Puis on s'était recouché en espérant que cela aurait suffit pour nous aider à dormir. Sauf que non. Cinq heures arrivait et je n'avais toujours pas dormi. On s'était relevé une nouvelle fois et on entamait le ménage dans la cuisine cette fois. Après une demi-heure, Melanie, relayée en co-conscience, me soufflait qu'on devrait rester au lit même si l'on ne dormait pas, pour se reposer un minimum. Je retournais donc me coucher à plus de six heures trente. Et c'est un long moment après que je trouvais finalement le sommeil.

J'étais réveillé par mon téléphone à huit heures trente. Je me redressais difficilement, j'avais terriblement mal au crâne et je n'avais aucune envie de bouger. Seulement je travaillais cette après-midi. Et j'avais rendez-vous ce matin pour voir notre psychiatre. Je pourrais en profiter pour lui parler de ces insomnies. Je n'avais pas très envie de prendre des somnifères mais la situation l'exigeait visiblement. L'heure du rendez-vous était vite arrivée, puis après une heure de consultation j'étais rentré chez moi. Il me restait un peu de temps. J'aurais sans doute dû en profiter pour manger quelque chose mais je n'avais pas faim, ni la motivation de me préparer à manger. Je prendrais une commande à emporter dans un fast-food ce soir dans le pire des cas.

J'avais entamé le tournage de la prochaine vidéo de ma chaîne, Jamie arrivait au co-front au même moment. La vidéo était sur un thème réclamé par pas mal de personnes. Ils voulaient savoir ce que je pensais être normal avant le diagnostic du TDI. Alors voilà, je faisais les dix choses que je pensais normales et que tout le monde vivait avant de savoir pour le TDI. Certaines choses étaient assez banales, par exemple je pensais que tout le monde avait plusieurs styles vestimentaires, des goûts alimentaires qui variaient. Je pensais que c'était selon l'humeur. Et il y avait des signes plus importants comme les écritures différentes, le fait de se sentir "forcer" de faire quelque chose. Par exemple je pouvais zapper à la télé et tomber sur un film que je savais qu'il ne me plairait pas mais en voyant le titre ça m'attirait et je ne pouvais pas faire autrement que de le regarder même si j'aimais pas du tout. Au restaurant ça m'arrive souvent de commander un plat que je n'aime pas parce que j'ai un alter en co-front qui aime ça. Et la sensation de ne pas aimer et d'aimer en même temps quelque chose est très perturbante ! Je pensais aussi que c'était normal d'entendre des voix dans sa tête, je pensais que c'était mon corps qui me parlait... Bref j'ai expliqué pas mal de ces exemples et après deux heures de tournage je pensais avoir suffisamment de rush pour le montage.

Je partais travailler immédiatement après avoir rangé mes affaires et avoir nourri Sunny et Speedy. Jamie quittait alors le co-front et je me retrouvais de nouveau seul. C'était la journée d'accueil aujourd'hui à l'animalerie, en partenariat avec les refuges et associations locales. Deux jours par mois, on accueillait des animaux venant de ces refuges pour les proposer à l'adoption directement dans le magasin. Cela permettait à ces animaux d'être vus et potentiellement remarqués et cela compensait le fait que le magasin ne vendait que de la nourriture et des accessoires. J'espérais que ce serait une bonne journée et qu'ils auraient la chance de trouver une nouvelle famille. Lorsque j'arrivais, les animaux étaient déjà installés dans leurs parcs. Certains étaient un peu stressés par le changement d'environnement tandis que d'autres étaient parfaitement à l'aise, jouant et se prélassant comme s'ils n'avaient rien remarqué. Lorsque le magasin était vide, je ne pouvais m'empêcher de jouer avec eux. Et quand quelqu'un entrait je saluais la personne et je retournais à la caisse. Ainsi je restais à disposition si quelqu'un avait besoin d'aide ou avait des questions.
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