J’ouvre les yeux. Me laissant envahir par un profond sentiment de vide et à la fois de liberté. Je reste figé pendant un moment, me souvenant de la douleur, mon être, mon âme n’étaient que douleur. Douleur dont je ne connaissais l’existence, mais douleur que je n’avais pas suffisamment appréhendée jusqu’à ce moment-là. Je me relevais, conscient de ma nouvelle nature. Une chute, une chute que j’ai décidé de rendre plus symbolique en me jetant d’un immeuble. Une chute que je savais salvatrice. Je ne pouvais plus, et je ne voulais plus continuer, aider tout ces chimpanzés à s’entre tuer une nouvelle fois. Ils n’apprennent jamais de leur erreur. Non, ils la répètent une fois, deux fois, des milliers de fois pour ensuite se promettre de ne plus jamais recommencer. A chaque fois j’y crois, en pensant que la prochaine génération sera plus réfléchie, moins ignorante, arrogante et impatiente. Et à chaque fois, c’est une déception sans nom. Des enfants, voilà ce qu’ils sont, des enfants sans la candeur de l’âme. Des enfants turbulents d’un père bien trop permissif. Je lève le regard au ciel, l’orage se met à gronder, triste ironie qui me vaut un éclatement de rire glacial et un doigt d’honneur vers le ciel, ciel qui est symbole de mon ancien père. Dieu, le père de tous. Dieu notre chef et créateur. Dieu que j’envoyais royalement se faire foutre à ce moment précis.

Je n’ai pas participé aux prémices de la seconde guerre mondiale. Me contentant de rester dans l’ombre, profitant des plaisirs que la vie avait à m’offrir. J’avais besoin de découvrir mes émotions, mes sentiments, de m’abandonner aux plaisirs dégradants, me jouant des humains que je protégeais autre fois. Ma vie à cette époque avait goût d’absinthe, ma langue jouissant de plaisirs qui m’étaient autrefois interdits. Vous imaginez que cela ne dura qu’un temps. Il me fallait plus, beaucoup plus. Lucifer me semblait être la meilleure option, ses valeurs, ses demandes faisant écho aux miennes sur certains points. J’aurais pu dire qu’il est venu me chercher, et que c’est seulement après de nombreuses sollicitations que j’ai fini par céder. Mais non, du tout. Mon ancien frère me connaissait bien. Il savait parfaitement qu’il suffisait de me laisser venir à lui.

C’est comme cela que je suis entrée dans les rangs de Lucifer. Y trouvant protection, et but pour continuer cette existence qui promettait d’être longue. C’est sans doute à ce moment là que je participais à la dernière année du combat des humains en portant les couleurs du mal. Pas en me battant sur les champs de bataille, non, en murmurant des choses à l’oreille de qui il fallait. Le mal gangrène l’espèce humaine bien avant la trahison de Lucifer. Il avait vu bien avant, ce que j’ai vu que trop tard, plusieurs siècles après.

Pour accueillir à moi le respect des démons de Lucifer, je me suis porté volontaire dans la protection d’une petite sorcière. J’ai connu mission beaucoup plus glorieuse que celle-là, mais nous sommes à une époque où il est nécessaire qu’un déchu monte patte blanche si je dois dire. Je pourrais m’attirer respect, ainsi qu’une certaine loyauté si je puis dire. La tâche est d’autant plus simple qu’il y a cette armistice entre les deux camps, me permettant de naviguer en eaux troubles sans craindre de tomber sur un ange de la justice.

On ne peut pas dire de moi que je suis purement mauvais, non, j’ai une personnalité compliquée, qui reste difficilement cernable. Mais une chose est sûre, je tiens toujours parole.