Il était tard, vingt-deux heures passés. Pourtant, j'étais encore à l'université, dans l'un des amphis dans lesquels je donnais cours. J'avais réussi à convaincre l'équipe de nettoyage de me laisser rester, parce que j'avais encore des choses à préparer pour mon cours de demain matin qui aurait lieu dans cette salle. C'était l'excuse que j'avais donné et elle était véridique. Mais ça n'était pas la seule raison de ma demande.

Quoi qu'il en soit, après avoir négocié et leur avoir promis de claquer la porte de secours derrière moi quand je quitterais l'établissement, ils avaient accepté. Ce n'était pas une application parfaite des règles, mais j'étais professeur depuis plusieurs années maintenant et ils avaient l'habitude de me croiser et d’interagir avec moi. Suffisamment pour me faire confiance sur cette petite entorse à leur règlement.

J'avais donc préparé les dernières diapositives et autres outils nécessaires à mon cours magistral de demain. Et avait rangé mes affaires restantes dans mon sac, sans pour autant quitter les lieux. Il restait une raison à ma demande, une que j'avais tue, face au concierge. Je voulais prier Imamiah. Cela faisait un moment que des questions me trottaient dans la tête, encore plus avec mes discussions avec Evelyne. Je ne voulais pas l'inviter chez moi, contente que la marque d'Hestia l'empêche elle et d'autres d'entrer et je ne voulais pas retourner encore dans cette ancienne laverie poussiéreuse. C'était un endroit pratique quand il le fallait, mais... cette salle était un peu plus accueillante et propice à l'apprentissage, non ?

J'avais donc inspiré et pensé, ou plutôt prié sa venue, en susurrant le nom de mon ange gardien.


« Imamiah... J'ai des questions à vous poser. »

J'avais attendu d'aller mieux pour contacter Imamiah, parce que je savais que sans ça, je serait bien plus tendue et distraite que je ne le voulais. J'avais des questions importantes à lui poser, j'avais envie de comprendre les anges, d'en apprendre plus sur eux. Et j'avais déjà déterminé le meilleur moyen pour ça, un que j'avais confié à Evelyne. Bien sûr, ça passait par aujourd'hui. Alors, comme je ne faisait plus de crises d'angoisse et autres, c'était le meilleur moment pour relancer l'ange et poser de nouvelles questions. Je m'étais même préparée à la voir apparaitre sous mes yeux. Mais, ça n'était pas ce qui s'était produit. Au lieu de ça, personne et soudain... j'avais entendu frapper à la porte de l'amphi. C'est Imamiah. Ses mots semblaient étouffés derrière la porte, j'avançais dans sa direction et l'ouvrait sans hésitation.

J'ignorais exactement pourquoi elle était arrivée comme ça. Mais ça n'avait pas vraiment d'importance, les lieux étaient déserts. J'étais la dernière personne sur place. Alors elle aurait pu se téléporter dans toutes les ailes du bâtiment et dans toutes les salles que ça aurait été pareil.

« Bonsoir. Merci d'être venue. »

Je m'effaçait lui laissant le passage pour entrer alors que je regagnais le bureau que j'avais occupé pendant des heures aujourd'hui.

« Je ne sais pas s'il y a une façon de faire ou pas. Ou même si... c'est malvenu de vous faire venir que pour des questions. Et pas parce que je suis en danger mortel. Mais... je vous avoueraient que j'ai pas tellement envie de m'excuser de ne pas être proche de la mort. Donc... »

De toute façon, est-ce qu'elle ne l'avait pas su avant de venir que je n'étais pas en danger ? Est-ce qu'elle entendait ma prière, les mots ? Ou est-ce que c'était juste... Arrêtes de te poser des questions et pose-les lui !

« J'ignore si vous entendez le contenu des prières ou si c'est juste que vous savez que je vous ai appelée. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit dans ma prière, j'ai des questions. Beaucoup. Sur les anges, sur le Paradis... Et je me suis dit que vous étiez la mieux placée pour y répondre. Du moins, dans mon entourage. » Pas sûr qu'on puisse la qualifier comme faisant parti de mon entourage, mais... c'était plus simple de le dire comme ça que de dire en détail pourquoi je voulais parler à une ange et pas seulement à des anges déchus. Ou pourquoi elle était la seule ange que je connaissait et ainsi, peut-être pas la plus indiquée pour répondre, mais ma seule option. Je doutais qu'elle puisse se vexer, je ne cherchais pas à la vexer d'ailleurs. Mon observation n'était que ça, une observation. Pourtant je l'avais tue, ou plutôt, j'avais laissé mes paroles le sous-entendre.

J'étais pour être honnête et en général je disait tout ce qui me passait par la tête. Mais "tout" était un bien grand mot. Tout ce qui méritait d'être dit, ou au moins avait de l'importance pour moi. Ça... ça n'en avait pas. Ni pour moi, ni pour elle, j'en aurait mit ma main à couper.

« Est-ce que... c'est possible ? Je veux dire... je sais que vous avez le droit de répondre aux questions. Vous l'avez fait lors de notre rencontre. Je veux juste... être certaine que vous avez du temps à m'accorder ? »

Je doutais en avoir fini en quelques minutes, alors autant être certaine du départ. J'ignorais si elle avait des missions continuellement, ou si me parler lui faisait reporter certaines d'entre elles.

Pas besoin de m'excuser donc. C'était une bonne chose, parce que comme je l'avais dit en plaisantant, je n'en avait pas spécialement envie. Ça aurait été un peu trop étrange. D'ailleurs... ma boutade était passé au dessus de sa tête comme pas possible. J'imagine que c'était normal. Soit elle ne connaissait pas l'humour, soit elle le comprenait mais s'en fichait. En tant qu'Ange... ça aurait été bizarre que ce soit différent, non ? Pourquoi Dieu aurait donné l'humour aux Anges ? C'était pas un atout indispensable pour un guerrier...

Par contre, ça me rappelait que trop bien ce qu'elle était. Elle restait imperturbable, disant être là pour moi et avoir le temps. C'était une bonne chose, mais ça restait... inquiétant dans une certaine mesure. J'ignorais réellement pourquoi. Au moins, elle avait répondu à mes premières questions, qu'il s'agisse de la prière et de mes paroles qu'elle entendait effectivement, ou en me disant que je pouvais poser mes questions. Elle m'avait d'ailleurs donné la parole, disant m'écouter et j'avais eu une seconde de latence, la regardant, impassible, patienter pour que je pose mes questions.

« Bien.. j'imagine que la première question que je voulais vous poser c'est... sur vos règles ou lois... peut importe comment vous les appeler. » J'essayais de formuler la chose de la manière la plus neutre possible. Je ne cherchais pas à critiquer ou juger. Je voulais réellement apprendre, car après ma discussion avec Evelyne à ce sujet, j'avais réalisé à quel point mes renseignements étaient biaisés. Pas faux, non. Mais... d'un point de vue, un seul. Celui de déchus.

« Je me demandais, quels genre de choses font qu'un ange est déchu ? Vous n'avez pas besoin de tout citer... Quelques exemples suffirons. C'est juste que... Je ne suis pas certaine de connaitre vos... lois. »

J'inspirais légèrement et faisait une rectification :

« Non en fait, je sais que je ne les connais pas ! Et j'aimerais comprendre. J'aime apprendre, savoir. Et sans l'avis d'un ange, ça n'est pas possible. » Je passait sur le fait que j'avais déjà eu l'avis de déchus. Déjà parce qu'elle s'en douterais peut-être, ayant clairement vu Alec, ou Raziel, comme elle l'appelait elle. Mais aussi parce que je ne voulais pas qu'elle comprenne que j'en connaissait une autre, au minimum.

« On va commencer par ça. Parce que ça risque de provoquer d'autres questions et j'en ai déjà une plâtrée à poser ! »

Ajoutais-je avec humour, même si ça n'aurait très certainement aucun effet, vu mon interlocutrice.

Elle avait commencé par confirmer le mot loi et ajouté celui de commandements. Comme le second paraissait un peu trop biblique à mon goût, je décidais de rester sur le premier, qui m'étais de toute façon venu plus naturellement.

J'avais donc continué sans sourciller, pour poser ma question et expliquer le fond de ma pensée ou carrément réfléchir à voix haute aux raisons qui me poussaient à le lui demander. Elle avait été patiente, comme d'habitude et attendu que je termine de parler pour commencer à vraiment répondre.

« L'orgueil ? » Ce n'était pas de la surprise qui donnait le ton de cette interrogation, mais l'incompréhension. Une seule chose pour faire déchoir un ange ? De ce que m'avaient dit les déchus... il semblait y en avoir bien plus. Et on ne m'avait pas parlé d'orgueil, pas du tout. J'écoutais, cela dit, lui laissant la possibilité d'expliquer sans dire plus que cette petite répétition, qui était venue malgré moi, face à ses paroles.

« Je ne suis pas sûre de vous comprendre... Je... Du peu qu'on m'a dit, je... Personne ne m'a parlé en ces termes de la chute. Alors, soit je ne comprend rien à rien, soit... il me faudra plus de détails ou d'explications ! »

Peut-être qu'elle n'était finalement pas bien placée pour me répondre ? Peut-être qu'elle ne voyait tellement pas les choses de la même manière que les déchus, que... c'était plus manichéen dans sa tête et toutes les chutes se valaient ? Toutes les raisons aussi ? Ou peut-être que c'était sa façon de parler, qui faisait barrière. Après tout, j'avais déjà pu remarquer de larges différences lors de nos discussions précédentes.

« Ce que je veux dire, c'est qu'on a mentionné les sentiments... Chuter par amour, ou... j'imagine que d'autres sentiments sont possibles. » La jalousie ? C'était ce qu'il en était pour Lucifer, non ? Ou alors, pour lui, c'était l'orgueil dont parlait Imamiah ? C'était peut-être ça qui m'avait échappé ! Est-ce qu'elle parlait de Lucifer ?

« Attendez... Je crois que... Vous parlez presque en énigme, mais... Je crois que j'ai compris ce que vous vouliez dire. Vous voulez dire que c'est par ça que ça a commencé ? Avec Lucifer, je veux dire ? » J'étais probablement à coté de la plaque. Mais sincèrement, j'essayais de faire sens aux mots d'une créature divine, alors... qui pourrait m'en vouloir de patauger un peu ? Ça n'était pas comme la magie, qui était mon élément. Là... c'était un sujet bien différent que je ne maîtrisait pas du tout.

« Si je me trompes, dites-le moi. Je veux vraiment comprendre. Je vais faire des efforts pour ça. Mais... si vous pouviez être plus... concrète ? »

Je réalisais que c'était probablement déplacé. Avec des humains et en général, sauf personnes inconnues et/ou potentiellement dangereuses, je disait les choses clairement. Histoire de faciliter la compréhension et les situations. Mais est-ce que guider un ange sur comment nous parler, c'était... malvenu ?

« Je ne devrais peut-être pas vous dire des choses comme ça ? C'est déplacé ? Je veux juste qu'on se comprenne au mieux. Mais... je veux pas être impolie. »

Je n'avais pas présenté d'excuses à proprement parler, parce que j'ignorais si oui ou non il en fallait. Et comme je n'étais pas du genre à en donner facilement, seulement quand elles étaient mérités, j'avais préférer attendre sa réponse. Ou ses réponses, pour être plus précise.

J'avais compris, en partie, ce qu'elle avait voulu dire, quand j'avais mentionné Lucifer. Mais... C'était bien plus compliqué que ça. Enfin, ça l'était pour moi, pas pour elle. Pour elle ça semblait bien plus simple. Je commençait à mieux comprendre ce qu'elle avait voulu dire. Je n'allais pas critiquer, c'était sa vision des choses, ou plutôt celle du Paradis. Parce que même si j'imaginais qu'un ange répondrait probablement avec d'autres mots, le contenu serait à peut près le même, non ? C'était trahir, c'était penser avoir le droit à mieux que ce que décidais Dieu ? Et toutes ces choses. Voila pourquoi elle avait parlé d’orgueil. Je n'étais pas forcément d'accord sur le fait que l'orgueil était humain, cela dit. Parce qu'elle semblait en avoir également. Pas envers moi, pas envers les humains. Mais elle devait forcément se sentir supérieure d'une manière ou d'une autre aux déchus, aux démons... En tout cas, c'était ce que ses paroles me laissaient penser. Ou alors, c'était sa façon de dire que l'orgueil comme les autres sentiments et trucs du genre étaient pour nous. Pas pour les autres, même si ça ne se passait pas forcément comme ça. Probablement. De toute façon, ça n'était pas le plus important. La discussion sur les déchus, leurs chutes, c'était ce qui m'intéressait actuellement.

« Je vois. Je comprend mieux ce que vous vouliez dire à présent. »

Je comprenais bien mieux différentes choses, même. Elle m'expliquait ensuite que je n'avais pas besoin de m'encombrer de trop de politesses et j'appréciais.

« Bien, si je n'ai pas besoin de prendre des pincettes, ce sera plus simple ! » C'était surtout pas vraiment mon genre, donc... ça rendait la chose plus naturelle aussi.

« Du coup, si on reviens à nos moutons... Ce que vous vouliez dire, c'est que de votre point de vue et de celui du Paradis... Peut importe les raisons variables des déchus, ça part toujours d'un principe d'orgueil. Parce que l'ange qui est déchu... se crois en droit de passer avant Dieu, les humains et tout le reste ? »

Si j'avais bien compris et j'avais l'impression que c'était le cas, même si j'avais drôlement humanisé ses paroles. Je ne prendrais pas ses informations pour la vérité absolue. Mais en les confrontant avec les réponses que j'avais eu de déchus... J'arriverais à un compromis qui me convenait.

« Si c'est ça... ça à une certaine logique. Même de mon point de vue humain. » Logique ne voulait pas dire que j'oubliais les paroles des déchus que je connaissais ou que j'étais d'accord avec l'un ou l'autre. Mais j'élargissais mes connaissances et j'appréciais de pouvoir le faire.

« Mais du coup, vos lois... ça veut dire que dedans on peut inclure : toujours suivre les ordres de Dieu ? Ne pas ressentir comme les humains ? Je veux dire... vous savez forcément ce qui vous ai interdit. Même s'il n'y a pas de lois écrites, de constitutions et compagnie... Vous avez une forme de connaissance de ces lois non ? Un déchu sait ce qu'il encoure, ou... il ne sait qu'il a fait une erreur que quand il est allé trop loin ? »

Elle avait cru bon de me reprendre sur l'un des mots que j'avais choisi et j'avais très vite compris pourquoi. Les humains et l'humanité... Il y avait une différence évidente. Surtout quand on était pas humain soit même. Elle voyait l'humanité dans son ensemble, ce qui devait être vrai pour le reste des anges et Dieu, donc ? En tout cas, c'est ce que laissais supposer ses paroles, puisqu'on était toujours sur le même sujet. Un sujet qui impliquait d'autres personnes qu'elle, clairement.

« L'humanité, oui. Je l'entendais de cette façon, également. Mais j'imagine qu'en effet, on peut le comprendre de travers en utilisant des mots moins... précis. Je me fiche d'être inclue dans un ensemble. Je suis humaine. C'est pas important, pour moi. » Après tout, quand il s'agissait des anges, je ne pouvais pas me vexer pour ça. Les seules personnes qui m'auraient possiblement vexée en ne pensant pas à moi de manière individuelle auraient été mes proches. Caleb, pour être exacte. Mais je pouvais concevoir que d'un point de vu d'ange... Ils avaient toutes l'humanité à protéger, pas que ma petite personne. Contrairement à ce qu'elle croyait, d'ailleurs, ça me rassurait plutôt que me déplaire. Pas pour moi personnellement, mais parce qu'avoir une vision globale était toujours plus logique et sage.

« Je vois. Innées. Ça paraît logique. Certaines choses le sont, même pour nous. Alors j'imagine que ne pas les enfreindre pour vous, c'est comme respirer pour nous. Enfin... jusqu'à ce que certains les enfreignent... cela va s'en dire... »

J'avais passé outre sa comparaison avec les cellules d'un organisme. Non pas parce que j'avais un problème avec cette façon d'expliquer, ou parce que j'allais l'ignorer complètement. Mais plutôt parce que j'y réfléchissais encore. Alors c'était ça ? C'était comme ça que les anges se voyaient, ou existaient ? Faisant partit d'un tout. D'une unité. C'était également pour ça qu'un déchu l'était à la moindre faute. Parce qu'ils ne pouvaient pas prendre le risque de mettre en danger leur unité. La logique était claire et irréfutable. Elle se mélangeait dans ma tête avec les informations que j'avais eu d'Alec ou Mew, pour former une connaissance du sujet et une compréhension plus précise. Avoir les deux points de vue opposés était la solution parfaite pour atteindre un point neutre au milieu. Deux extrêmes faisaient une explication plus modérée, une qui prenait petit à petit forme dans ma tête.

« Je comprend mieux votre vision des choses et la sentence. » La chute du moins. Mais j'avais d'autres questions associées. Même si j'attendais un peu, qu'elle ai fini de me donner des explications sur mes interrogations précédentes.

« Oui, j'imagine qu'en tant qu'ange fidèle... C'est presque impossible de répondre à cette question. Ça se comprend. » Elle aurait du mal à savoir ce qu'il en était pour les déchus, après tout, n'en étant pas une elle-même. « De toute façon, ne vous en faites pas. Vous avez déjà répondu à ma question en disant que vos lois étaient innées. » La chose suffisait en soit. Car ça voulait dire que oui, ils savaient, ce même s'ils n'avaient pas forcément la volonté ou l'avaient. Ça c'était individuel, même si les anges n'étaient pas censés l'être. Pas vraiment. Mais ils n'étaient plus des anges, ils étaient déchus, après tout. Alors cette question là, si je voulais la poser un jour, ce serait à un déchu.

Elle avait alors enchainé en parlant un peu plus en détail de leurs lois. Répondant à celles que j'avais nommé, pour essayer de valider leur existence. Puis, elle avait parlé plus en détail de l'amour et des sentiments en général. Insistant sur le fait que les anges n'étaient pas censés avoir de sentiments et me rappelant que c'était normal. Qu'ils n'étaient pas humains et ne devaient pas tenter de l'être. Toutes ses explications pouvaient paraître nébuleuses, oui. Mais elles ne l'étaient pas. D'un point de vue humain, c'était certain qu'avoir des sentiments était inné. Mais je pouvais concevoir l'inverse, en sachant ça. Surtout en voyant comment elle réagissait. Elle n'avait pas de sentiments, c'était une évidence.

« C'est pas abstrait, non. Merci, ces explications sont claires, au contraire. » Je réfléchissais un instant à ses mots et demandait finalement :

« Du coup, ça n'est pas la sentence au complet, n'est-ce pas ? La chute ? Logiquement... si un ange est déchu pour ne pas... détruire l'unité de votre... famille ? Armée ? Des anges, quoi ! S'il est déchu parce qu'il représente un danger pour votre unité. Alors selon cette même logique il en représente un pour l'humanité. L'autre unité dont vous avez parlé. Parce que... En étant déchu, il est envoyé sur Terre non ? » C'était des questions, oui, mais elles étaient presque pour moi. Car mon fil de pensé se déroulait en direct et à voix haute. Toutes les informations qu'elle me donnait, je les assemblaient pour essayer de saisir jusqu’où tout ça allait. Mais cette réponse, je l'avais déjà eu. Je l'avait même priée d'arrêter d'utiliser ce mot face à Alec.

« La suite, c'est la destruction. N'est-ce pas ? » Ils étaient déchus, pour être ensuite tués ? Pourquoi pas les détruire directement ? Je cessait de m'interroger mentalement et répétait mes questions à voix haute, car c'était pour ça que nous étions là, après tout.

« Pourquoi ne pas les détruire directement ? Vous ne pouvez pas ? Ou Dieu, quoi... parce que je doute que vous fassiez déchoir les anges, vous. Bref, vous me comprenez ? Vous menaciez... Raziel. L'autre fois. Je ne cherche pas à juger. Menacer est péjoratif, je sais, mais... je sais pas vraiment quel autre mot utiliser. Quoi qu'il en soit, vous parliez de destruction. Je m'en souvient comme si c'était hier. Alors... c'est le but de la déchéance non ? Pourquoi est-ce qu'il y a une étape entre ? »

Il devait y avoir une raison autre que leur laisser une chance d'échapper à la mort. Ou la version plus cruelle, de les faire souffrir avant de les détruire. Il devait y avoir une raison, mais j'attendais qu'elle m'éclaire sur ce sujet et me dise, la ou lesquelles.

J'avais déjà pas mal de questions en tête et ses réponses en provoquaient d'autres. De quoi faire une intox de nouvelles informations, si je n'étais pas du genre à apprendre comme ça. En magie, je travaillais à fond, de manière sage oui, mais je ne limitais pas mon apprentissage s'il n'y avait pas une véritable raison, un danger. Mon cerveau pouvait faire avec les infos qu'elle me donnait, même s'il y en avait beaucoup. C'était pas comme un sort trop puissant pour le faire fatiguée ou autre. C'était juste des infos, pas de danger, ça me demandait juste d'organiser un peu mes pensées et ces dernières entre elles.

« En effet, même si... tôt ou tard, les plongeurs devront respirer. » Sauf que pour eux... une fois les règles enfreintes... c'était fini non ? Du coup, l'analogie était un peu bancale, mais ça n'était pas de sa faute. Il était difficile de faire une comparaison efficace avec deux races comme les nôtres. Nos fonctionnements étaient clairement différents.

« On se comprend, en tout cas. C'est l'essentiel. » Fis-je, comme pour la rassurer. Métaphores ou pas, ça n'était que ça qui comptait. Que l'une ne paume pas complètement l'autre.

Il y avait des questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre, n'étant pas déchue elle-même. Ce qui était compréhensible et je lui avait dit. De toute façon, j'aurais la possibilité de demander à des déchus. Elle tentais pourtant de développer un peu plus, comme si m'aider était trop important pour qu'elle n'essaie pas. Elle me parlait de sa fidélité, la décrivant comme naturelle et innée. Elle n'avait pas utilisé ses mots, mais c'était comme ça que j'interprétais ses mots. D'autant plus avec ce qu'on avait dit avant. J'avais simplement hoché la tête, je pensait ce que je lui avait dit et n'avait donc rien à redire la dessus. Elle m'avait correctement répondu et j'appréciais qu'elle me dise ne pas savoir, plutôt qu'inventer quoi que ce soit.

A la place, j'avais voulu parler des sentences divines plus précisément. Parce qu'avec tout ce qu'on se disait et ce que je savais déjà, les choses prenaient sens. Je savais déjà que les anges tuaient des déchus. Ça n'était pas un scoop. Cela dit, c'était différent de savoir ça et de savoir exactement pourquoi ils le faisaient. D'ailleurs, j'avais compris assez bien ce qu'il en était. La déchéance n'était que la première étape de la punition, c'était bien ça. Donc les anges qui tuaient des déchus... ça n'était pas juste des rencontres entre ennemis, c'était plus profond que ça. C'était une exécution de sentence. Du moins, d'un point de vue angélique et divin.

J'avais demandé un peu plus de détails ensuite, mais cette fois sur le pourquoi. Parce que si la sentence était la mort, pourquoi ne pas tuer directement ? Mes pensées à ce sujet fusaient, alors j'avais demandé clairement et de but en blanc. De toute façon, je n'allais pas la vexer. De toute façon, si elle avait pu lire mes pensées ayant conduit ou suivit cette question, elle aurait su que je ne jugeais pas. Et qu'a vrai dire, j'étais presque convaincue qu'il y avait une véritable raison et que ça n'était pas juste pour torturer les déchus.

« Pas de passage... » Répétais-je presque machinalement, réfléchissant à ce que ça signifiait. Les deux étaient des plans. La Terre également. Mais il fallait passer par la Terre pour accéder au néant. Est-ce que... J'avais eu une illumination tout d'un coup, en me demandant si c'était la même chose pour l'Enfer. Mais je n'avais pas eu besoin de poser la question. Oui ça l'était forcément ! Parce que sinon, les chiens de l'Enfer n'existeraient pas, non ? Si une âme pouvait être détruite en Enfer directement et envoyée au néant, alors il n'aurait pas fallu trouver une utilité aux âmes qui ne supportaient pas les tortures... C'était ma théorie en tout cas. Et ça s'affirmait avec ce qu'elle disait, même si nous ne parlions pas de l'Enfer. Une question se posait quand même, pourquoi c'était possible sur Terre par contre ? Elle disait que les portes entre Paradis et néant passait sur ce plan. Mais est-ce que c'était une autre figure de style ? Ou est-ce que c'était purement ça ? Elle avait reprit la parole, usant d'une nouvelle métaphore et j'avais rit intérieurement.

Imagine une maison de trois étages, chaque étage est relié par un escalier, mais l’accès à l’étage supérieur, le Paradis, et inférieur, le Néant, ne peut se faire que par le rez-de-chaussée. Créer un passage entre l’étage supérieur et inférieur sans passer par le centre est impossible sans détruire une partie de l’étage central. Heureusement que je m'étais gardée de rire de vive voix, parce que la suite de la métaphore coupait toute envie de rire. De base, ça n'était pas ses mots qui m'avaient fait rire de toute façon, mais plutôt le fait qu'ils soient venus pile quand je me demandait si elle faisait une métaphore.

« Je vois. J'allais vous demander quelque chose, avant que vous ajoutiez ça... Je vais le demander quand même, parce que... peut-être que l'un n'empêche pas l'autre... » Après tout, ma réflexion me paraissait censée et depuis le début, c'était clair qu'elle tentait de simplifier les choses pour l'humaine que j'étais.

« La Terre, ça passe par la Terre à chaque fois, non ? Pas que pour vous ! Pour l'Enfer également. Personne n'est détruit en Enfer, ça se passe sur le plan Terrestre à chaque fois. C'est seulement à cause du passage dont vous parliez ? Ou c'est parce que c'est la Terre ? Je veux dire... La Terre est le seul plan qui soit matériel. Tous les plans immatériels viennent détruire sur notre plan... ça doit être lié, non ? Ou alors... je réfléchi trop. Ce qui est possible aussi. Des fois les coïncidences existent. Mais j'imagine que c'est pour ça que je pose mes questions. Pour savoir et pas juste théoriser. »

Et puis si je me plantait, tant pis ! Pourtant, ça me paraissait logique. J'avais étudié les plans pour la magie. C'était important, non, nécessaire ! Parce que beaucoup de sorts dépendaient de mes connaissances sur les plans. Le plus récent et important auquel je pensait était justement celui qui m'avait débarrassé de mon état, mes crises d'angoisses et cauchemars. Lui avait du être travaillé autour du Paradis. Une chose qui demandait forcément une connaissance dans ce milieu.

« Pendant que j'y suis... J'ai étudié les plans. J'ai étudié beaucoup dans le cadre de la magie et de mes sorts. Mais je me demandais, on m'a dit qu'au Paradis vous n'étiez que pure énergie. Que... Votre apparence sur Terre est seulement un reflet de votre grâce. Donc, techniquement ce n'est pas que le Paradis, n'est-ce pas ? Vous aussi vous êtes immatériels par Nature ? » Qu'est-ce que ça impliquait exactement ? BEAUCOUP ! Sur le plan magique, ça aurait énormément compté, dans de nombreux sorts. Cela dit, la magie divine n'avait probablement pas les même règles que la magie terrestre ? Ou peut-être bien que si ? Tout ce que je savais de la magie divine, c'était qu'elle existait. Qu'elle pouvait servir à exorciser comme pour un sorcier et certainement à d'autres choses.

Quand elle avait commencé à me répondre au sujet des plans, en me disant que le Paradis n'était pas immatériel, j'avais tiqué l'espace d'un instant. « Le Paradis, pas immatériel ? » Puis, je m'étais souvenue de qui j'avais face à moi, une ange. J'avais dans l'idée, que c'était du à ça. Elle décrivait le Paradis comme il était pour elle. Et apparemment, divin était un meilleur qualificatif qu'immatériel. Pourtant, les deux pouvaient aller ensembles, du moins de mon point de vue. Mais quel sens donnait-elle à immatériel au juste ? Peut-être que c'était aussi ça le soucis. Pas seulement le côté divin qui primait pour elle. Peut-être que le mot immatériel avait un autre sens dans son esprit. Plus global ou au contraire plus restreint. Pour moi, c'était simple. Immatériel voulait dire qui n'a pas de matière, qui n'est pas palpable ou des trucs semblables. Et l'énergie pure... ça n'était pas de la matière.

« Pour l'Enfer, j'imagine que ce n'est pas ce que vous connaissez le mieux. Je n'en demande pas autant de toute façon. Au moins, je sais que ce n'est pas une coïncidence et que ma réflexion est bonne. C'était tout ce qu'il me fallait, donc... Merci. »

Je n'avais pas insisté sur le Paradis immatériel, parce qu'elle avait ajouté ce qu'elle avait dit, au sujet des anges et de leur immatérialité. Mais il était temps quand même de préciser quelques petites choses. Ou du moins, de tenter des précisions pour être certaine que j'ai compris.

« En effet, j'avoue que le mot à plusieurs sens pour nous. Mais si on s'arrête à la signification qui m'intéresse ici, en opposition au plan terrestre. La matière c'est trois états, le solide, le gaz et le liquide. Je ne dirais pas que l'énergie qui vous compose, ou qui compose le paradis est une matière au sens humain, donc. Parce que ça n'entre dans aucune de ces catégories. Vous n'êtes ni solide, ni gaz, ni liquide, n'est-ce pas ? C'est sur ce point que je considère le Paradis ou les anges comme immatériel. En tout cas, quand j'ai lu sur les plans, c'était les explications que j'ai trouvé. A peu de chose près. »

Il pouvait y avoir plusieurs définition d'immatériel. Mais quand je comparait aux autres plans et à la Terre qu'elle même avait appelé le plan matériel... C'était de ça qu'il s'agissait pour moi. C'était pour ça que dans tous les livres, toutes les explications que j'avais pu avoir pour mes sorts liés aux plans... on me disait toujours que les autres plans étaient immatériels. Parce que comparé à la Terre, ils l'étaient. Et donc, puisqu'elle avait confirmé que les destructions qui se déroulaient sur Terre n'étaient pas une coïncidence, alors ça voulait bel et bien dire que détruire n'était pas possible dans des plans immatériels.

« C'est parce que les plans immatériels... pardon. Simplifions. Est-ce que c'est parce que l'Enfer, le Paradis, le Néant sont énergie ou non-existence ? Et que détruire une créature, même un humain dans ce genre... d'environnement, ce serait dangereux pour le plan en lui-même ? » J'étais presque certaine que la réponse était oui. Mais je devais demander tout de même, car c'était bien beau les déductions, mais je préférait des certitudes.

« Ou même... Est-ce que ce serait dangereux pour tous les plans ? Et l'équilibre entre ces derniers ? » Après tout, si un plan était affecté, ça pouvais être dangereux pour tous, non ? J'avais un souvenir bien présent des chevauchements que nous avions eu il y a un temps. J'avais même pressentit le danger des sursauts grâce à mes précognitions, quand j'étais proche de l'un d'eux.

« Quand sur Terre il y a eu tous ces... chevauchements des plans. Je crois qu'on m'avait dit que c'était ça, des chevauchements. C'était parce que la Terre avait été affectée. Mais, tous les plans l'étaient aussi, n'est-ce pas ? Donc, vous détruisez sur Terre, pour éviter de déranger l'équilibre entre les plans ? » Les déductions étaient logiques, d'un point de vu magique et surnaturel du moins. Mais ça restait abstrait, malgré le fait qu'on avait eu un cas réel il y avait pas si longtemps.

« D'ailleurs... J'ai entendu des choses à ce sujet. Mais j'ai jamais su de source sûre ce qu'il s'était passé pour que les plans se chevauchent. Est-ce que c'était bien d'origine divine, comme j'ai entendu ? »